Il y a autant de visions du rôle de l’animateur que d’animateurs…
Mathieu Mauvieux, Alexi Uyttersprot, Loïc Renault, et Sylvain Stienon ont co-écrit cet article, suite à d’innombrables discussions avec des animateurs de tous les horizons. Floriane Gander (Floraison) nous a offert ses dessins.
Selon notre personnalité, notre histoire de vie, notre propre éducation, notre formation, nos employeurs successifs et notre expérience, nous deviendrons un animateur refusant toute place à l’éducatif dans nos fonctions, ou au contraire, un animateur qui politisera ses actions en cherchant à donner du sens, une dimension éducative à son rôle.
Mais a t’on vraiment le choix ? Peut-on se désintéresser des politiques éducatives de ses employeurs ? Doit-on obligatoirement avoir une vision de la société, du monde pour pouvoir animer ?
Quel est le cadre légal, institutionnel de l’animateur d’accueil collectif de mineurs?
Du projet éducatif au projet d’animation
L’Etat précise que le projet éducatif doit “définir les objectifs de l’action éducative”(Source). Puis, dans le guide des projets éducatif et pédagogique (écrit et diffusé par le ministère de la cohésion sociale et de la protection des population), il apparaît que :
- “Le centre de loisirs, comme le centre de vacances, peut jouer un rôle essentiel dans la politique locale.”
- “Le projet éducatif traduit l’engagement de l’organisateur, ses priorités, ses principes. Il définit le sens de ses actions.”
- “Organiser des loisirs collectifs pour les mineurs est un acte éducatif.”
L’application sur le terrain, c’est à dire la traduction du projet éducatif en un projet pédagogique est défini par le décret 2002-885 du 3 mai 2002 relatif au projet éducatif mentionné à l’article L. 227-4 du code de l’action sociale et des familles* :
“Art. 3. – La personne qui dirige le séjour dans un centre de vacances ou dans un centre de loisirs sans hébergement met en œuvre le projet éducatif mentionné ci-dessus et en précise les conditions de réalisation dans un document, élaboré en concertation avec les personnes qui animent le séjour.”
Quant à l’animateur, il participe d’abord à l’élaboration du projet pédagogique : “Le directeur du centre élabore, en concertation avec l’équipe d’encadrement, le projet pédagogique. “, puis à sa mise en oeuvre de “façon coordonnée”.
Nous rappelons à ce propos que le projet pédagogique comme document, n’est plus obligatoire dans les textes en tant que tel, mais que le directeur doit être en mesure de présenter, en cas d’inspection notamment, mais aussi en cas de demande formulée par un parent, les choix pédagogiques de l’équipe d’animation. Cela peut prendre de multiples formes, écrites, picturales…
Selon les structures d’animation, l’animateur devra élaborer un projet d’animation, préparer des activités, ou animer des temps dans le cadre du projet pédagogique.
Il y a donc, naturellement, et automatiquement, un lien direct entre le projet éducatif, c’est à dire le sens éducatif que veut donner l’employeur, et les missions de l’animateur.
Dans certaines réalités, le projet éducatif n’est pas très diffusé ni auprès de l’équipe d’animation ni auprès des familles. Il peut arriver aussi que les animateurs ne participent pas à l’élaboration du projet pédagogique (voir sondage en fin d’article), que le projet pédagogique ne découle pas du projet éducatif, qu’il soit simplement inexistant ou enfin que ses objectifs soit détachés de ses démarches… Mais c’est une erreur, d’un point de vue légal et institutionnel puisque les textes indiquent le contraire.
Mais continuons à parcourir les textes, notamment ceux qui définissent les formations de l’animateur.
Références sur le BAFA et le rôle de l’animateur volontaire
Le site du gouvernement introduit la présentation du BAFA en définissant les ACM : “Ces accueils ont vocation à offrir aux enfants et aux jeunes des activités éducatives adaptées à leurs besoins, durant les temps de loisirs et de vacances.”
Puis, il donne les objectifs de la formation et les aptitudes visées de l’animateur volontaire dont voici deux exemples :
- “Participer, au sein d’une équipe, à la mise en œuvre d’un projet pédagogique en cohérence avec le projet éducatif…”
- “Situer son engagement dans le contexte social, culturel et éducatif“
Depuis peu, l’animateur doit même développer, pendant sa formation, des “aptitudes lui permettant de transmettre et de faire partager les valeurs de la République, notamment la laïcité”.
D’ailleurs, si l’animateur a pour rôle entre autres, de transmettre les valeurs de la république, nous trouverions intéressant d’en débattre, car la devise “Liberté, Egalité, Fraternité” semble bien réductrice des notions d’indivisibilité, de laïcité, de démocratie, et du caractère social énoncés par exemple ici.
Si les textes parlent de projet éducatif, de projet pédagogique (ou de son équivalence aujourd’hui) , de valeurs, d’activités éducatives, n’ayons pas peur des mots. Définissons les :
Éducatif : “qui vise à éduquer” nous apprend Larousse. Merci 😉
Définissons donc le mot “Éduquer”, (Larousse est plus bavard) :
- “Former quelqu’un en développant et en épanouissant sa personnalité.
- Développer une aptitude par des exercices appropriés : Éduquer la volonté.
- Développer chez quelqu’un, un groupe, certaines aptitudes, certaines connaissances, une forme de culture : Éduquer le téléspectateur par des émissions scientifiques.
- Faire acquérir à quelqu’un les usages de la société : Où t’a-t-on éduqué pour parler de cette façon ?”
Pédagogique : “Relatif à la pédagogie, à la manière d’enseigner.”(Toujours Larousse)
Pédagogie : “Ensemble des méthodes utilisées pour éduquer les enfants et les adolescents ”
La pédagogie est donc un ensemble de méthodes, de techniques pour éduquer, c’est à dire développer la personnalité, diverses aptitudes, connaissances, cultures, vivre ensemble.
Voilà ce que les mots signifient. Voilà ce qu’est, entre autres, le rôle d’une équipe d’animation, d’un animateur volontaire, selon les textes et notre dictionnaire préféré…
L’animateur volontaire signera le plus souvent un Contrat d’Engagement Éducatif. Tout ça semble cohérent : Il s’engage à participer à l’éducation des enfants, c’est à dire à développer leur personnalité, leurs aptitudes et connaissances culturelles et sociales. Ce qui rejoint les objectifs de l’éducation populaire.
Alors pourquoi tant d’animateurs refusent et réfutent l’idée même de participer à l’éducation des enfants ?
Références sur le BPJEPS et le rôle de l’animateur professionnel
Le BPJEPS, c’est le Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport. On ne peut être plus clair (si l’on s’entend sur la notion d’éducation populaire).
Le BPJEPS a remplacé le BEATEP, c’est à dire le Brevet d’Etat de l’Animateur Technicien de l’Education Populaire. Ce n’est donc pas un hasard : L’éducation populaire est au centre des diplômes professionnels depuis leur création (le BEATEP est créé en 1986) !
Notons que les diplômes professionnels de l’animation (socio éducative?) comportent presque tous l’intitulé “Education Populaire” : DEJEPS, DESJEPS…
Il y a autant de nuances dans la définition de l’éducation populaire qu’il y a d’animateurs… Nous n’allons donc pas nous risquer à écrire notre définition, puisqu’elle serait immédiatement critiquée. En voici quelques unes, prises (presque) au hasard :
Pour Franck Lepage, L’éducation populaire, c’est “l’éducation citoyenne, politique”.
Le site www.education-populaire.fr pose la définition suivante : “elle consiste à décrypter les rapports de domination, à prendre conscience de la place que l’on occupe dans la société, à apprendre à se constituer collectivement en contre-pouvoir, à expérimenter sa capacité à agir”.
Pour Wikipédia, L’éducation populaire vise essentiellement “l’amélioration du système social et l’épanouissement individuel et collectif, en dehors des structures traditionnelles (famille) et institutionnelles (enseignement)”.
Pour l’état, il est très difficile de la définir. Pudiques, les hauts fonctionnaires s’aventurent rarement à une définition. Nous en avons trouvé une cachée sur ce site, qui définit l’éducation populaire à travers ses “fédérations” : “Les fédérations d’Éducation populaire (…) concourent à la constante transformation de la société et contribuent à l’avènement d’une société plus juste et solidaire, fondée sur la confrontation des points de vue et l’évolution des rapports humains à partir des représentations et des opinions de chacun. Les valeurs fondamentales qu’elles défendent, et qui fondent leur action, sont la citoyenneté, l’émancipation, la coopération, la solidarité, la justice”.
Bref, si l’on veut aller vite, le BPJEPS est une formation pour changer le monde, améliorer la société…
L’animateur professionnel, quelque soit son niveau de formation, apprend à identifier les besoins d’un public, et à élaborer des projets (ou des conditions favorables) lui permettant de s’émanciper, d’améliorer les rapports sociaux, ses aptitudes, ses connaissances. Bref, il construit une démarche pédagogique visant les grands principes de l’éducation populaire cités plus haut.
Il peut ainsi éduquer un public au vivre-ensemble, à l’esprit critique, à la coopération, à la citoyenneté etc.
Conclusions sur le rôle de l’animateur en ACM
Si l’animateur s’inscrit dans un projet éducatif en élaborant en équipe un projet pédagogique, si son rôle est de transmettre, d’agir pour l’éducation populaire, c’est à dire d’émanciper son public, de développer son esprit critique, ses connaissances, ses aptitudes, alors il éduque ?
On pourrait donc penser que l’animateur est un éducateur au sens large du terme. Certes, ce n’est pas un parent, un enseignant, un éducateur spécialisé, mais pourquoi pas un éducateur ?
Le problème, c’est que ce n’est pas lui qui est le décideur des valeurs, des visées éducatives. C’est l’employeur… A travers le projet éducatif justement, et éventuellement les commandes politiques.
Mais alors si l’animateur n’est pas vraiment un éducateur, c’est quoi ? L’animateur est un pédagogue, un technicien. Il travaille bien pour un projet éducatif. Il est souvent payé pour ça. Sa valeur, son expertise, c’est la pédagogie. Il sait repérer des besoins, expertiser des situations, transmettre les informations nécessaire à l’évolution du projet éducatif puis inventer des solutions ludiques et créer des jeux, des activités, des situations permettant au public d’apprendre avant de recommencer. Rappelons-nous :
- “Participer, au sein d’une équipe, à la mise en œuvre d’un projet pédagogique en cohérence avec le projet éducatif…”
- “Situer son engagement dans le contexte social, culturel et éducatif”
- “Le directeur du centre élabore, en concertation avec l’équipe d’encadrement, le projet pédagogique.”
Alors que l’éducatif est confié à l’organisateur :
- “Le centre de loisirs, comme le centre de vacances, peut jouer un rôle essentiel dans la politique locale.”
- “Le projet éducatif traduit l’engagement de l’organisateur, ses priorités, ses principes. Il définit le sens de ses actions.”
- etc.
Mais nous l’avons démontré plus haut, l’animateur agit aussi pour l’éducation populaire dans lequel il est inscrit (dès sa formation). Il s’appuie normalement sur ses grands principes, ses grandes valeurs. De ce point de vue, c’est un éducateur. Il a lui même des valeurs qu’il essaye de transmettre.
Bien souvent, l’animateur va d’ailleurs tenter de faire correspondre ses deux casquettes en choisissant, quand il le peut, son employeur, celui qui partagera le plus ses valeurs, ses principes éducatifs.
C’est souvent lors des entretiens d’embauche que chaque partie va évaluer chez l’autre ses “conceptions éducatives”.
Qu’est ce qui est éducatif ?
Prenons une des situations suivantes, au choix de chaque lecteur :
- Un enfant, en conflit avec un autre enfant, déchire son dessin
- Un enfant tombe dans la cour
- Un enfant s’isole dans un coin du centre et ne parle plus à personne
- Un enfant ne souhaite pas rester au centre et pleure pour rentrer chez lui
A partir de la situation choisie, peut-on ou non définir une série d’influences éducatives (d’apprentissages) associée aux comportements de l’animateur suivants :
- L’animateur ne réagit pas
- L’animateur déclenche une discussion avec l’enfant
- L’animateur appelle la famille de l’enfant
- L’animateur rigole
- L’animateur montre à l’enfant que la situation le préoccupe fortement
Quelque soit les 2 situations choisies (que l’on pourrait facilement étendre à une infinité de cas et de réponses de l’animateur), nous voyons facilement que tout est éducatif. L’enfant apprendra de toutes les réactions extérieures.
L’enfant va apprendre une quantité de choses, en fonction des relations, comportements, réactions, attentions, du monde qui l’entoure. Et c’est l’addition infinie des influences qu’il va vivre qui vont peu à peu l’aider à construire ses rapports sociaux, son identité, sa personnalité.
La même expérience peut bien entendu s’étendre à d’autres sujets comme
- Le contenu des activités
- La place de l’enfant dans l’activité
- La relation avec l’adulte
- Le fonctionnement du centre
- La liberté d’expression
- etc
Quand on se penche sur la façon dont on acquiert des savoirs, des compétences ou des comportements (en bref, des apprentissages), que ce soit auprès de la neurologie, la psychologie ou l’éthologie, on trouve plusieurs théories qui se rejoignent toutes sur 2 notions : le renforcement et l’extinction.
Le renforcement se fait si l’utilisation d’un apprentissage est une réussite, qu’on en soit l’auteur ou le spectateur. L’extinction, elle, se fait si l’utilisation de cette apprentissage est un échec ou si l’apprentissage s’avère inutile (et donc inutilisé).
Donc une situation où l’enfant n’utilise aucun de ses apprentissages, où il ne voit personne utiliser un apprentissage (ni savoir, ni compétence, ni comportement) ou que leurs utilisations ne sont que des échecs, aurait pour effet de faire disparaître des apprentissages.
Par conséquent, une activité qui demande la participation active de l’enfant sans renforcer d’apprentissages est inenvisageable !
D’ailleurs, quand on parle d’exemplarité, on reconnait que la simple vue d’un comportement le renforce (ex : l’animateur qui ne dit pas bonjour, ou qui est grossier). C’est bien que l‘apprentissage est inévitable (sauf dans certains cas rares pathologiques) et l’éducation est omniprésente.
En réalité tout éduque.
Mais cela pose les questions suivantes :
qu’est-ce qu’un animateur qui n’a aucune volonté éducative apprend-t-il aux enfants ? Sommes-nous conscients de tout ce que l’on apprend aux enfants ? Peut-on l’être ? Peut-on éduquer à des valeurs qu’on ne partage pas ?
Qu’est ce qu’une valeur éducative ?
Concernant le terme de valeur, Larousse nous offre beaucoup de définitions qui ont toutes en commun les notions d’importance et d’intérêt.
Une valeur éducative serait donc ce qui est important, qui a de l’intérêt dans l’éducation donc la finalité recherchée par les apprentissages.
Les différences peuvent être ténues d’un apprentissage à l’autre, et ce qui les distingue est bien souvent leur finalité, ce qu’on veut faire de cet apprentissage.
La finalité doit être assez précise pour savoir quels apprentissages sont nécessaires. Or la finalité appelle à anticiper le futur et à en avoir une vision assez claire.
Si la pédagogie est une méthode, un chemin, quelle en est la destination ? C’est l’objectif, le but… Défini par une représentation mentale de l’avenir, un fantasme sur le monde parfait et ce qu’il implique pour chacun.
Quelle est la liberté de pensée, d’agir de l’animateur, dans la réalité ?
Selon les employeurs, les projets éducatifs et les publics diffèrent.
Nous pensons que c’est trop souvent secondaire pour les animateurs qui choisissent pour beaucoup un séjour plutôt qu’un projet.
Les annonces d’offres d’emplois sont ainsi faites : On parle souvent d’une destination, d’une ambiance, d’activités avant de parler du public et du projet…
Peut-on comparer le projet éducatif d’une association locale qui a pour but de faire partir le plus d’enfants possible en vacances, à la société à but lucratif Capmonde et ses 34 pays de destination ?
Peut-on comparer le rôle de l’animateur qui encadre un séjour “Graine d’acteur” de Telligo à celui qui encadre le séjour “Petite bricoleuse, petit bricoleur” de l’association “La Betapi”?
Peut-on comparer les objectifs à viser pour un public de l’aide sociale à l’enfance de ceux du comité d’entreprise de Louis Vuitton?
Ou encore peut-on comparer les deux extraits suivants de projets éducatifs, portant sur la même valeur :
- “Donner le maximum de choix aux enfants”, “Pour chaque temps d’atelier du matin, les différents animateurs expliquent ce qu’ils proposent et les enfants choisissent leur atelier (et donc leur animateur pour ce moment là). Ce mode de fonctionnement est aussi celui des après-midi et des soirées (sauf bien sûr si l’équipe propose un grand jeu ou une grande veillée tous ensemble). Telligo
- “L’équipe éducative du centre de loisirs a souhaité que les enfants participent davantage à l’élaboration des projets d’activités au sein du centre de loisirs. Pour ce faire, nous souhaitions stimuler les projets initiés par des enfants. ” Mairie de Collégien (77)
Il peut aussi arriver de trouver des contradictions nettes entre les principes de l’éducation populaire et le projet d’une structure d’animation :
- L’éducation populaire vise à “décrypter les rapports de domination”, à favoriser “l’évolution des rapports humains”…
- “Des activités pour les filles (ateliers de créations bijoux, sport, …)” comme moyen pédagogique d’une équipe d’animation (Source p.13)
Enfin, il existe beaucoup d’interprétations différentes d’une valeur, d’un principe ou d’un projet éducatif, qui se concrétiseront par conséquent aussi de façons très différentes :
- Il existe donc des directions d’ACM qui laissent le choix aux animateurs d’interpréter les objectifs éducatifs, même si les membres d’une même équipe n’ont pas le même point de vue.
- Il existe des directions d’ACM qui ne s’appuient pas sur le projet éducatif pour déterminer les orientations pédagogiques de leurs structures (ce qui est le cas lorsqu’au sein d’une même collectivité, des pratiques contradictoires peuvent se voir d’un centre à l’autre)
- Il existe des directions d’ACM qui ne donnent pas d’orientation pédagogique à leurs équipes.
- Il existe des projets éducatifs qui ne précisent pas les intentions éducatives d’un territoire.
- Il existe des directions d’ACM qui ne mettent pas en cohérence leurs démarche et leurs objectifs.
- Etc.
Dans ces cas, il est souvent possible de pratiquer sa propre politique éducative (consciente ou inconsciente), en tant qu’animateur, mais qui ne sera suivie d’aucune cohésion ni cohérence de la part du reste de la structure (fonctionnement, collègues…). On peut deviner la maigreur de l’impact d’un investissement même remarquable d’un animateur isolé dans ce genre de structure et les soucis relationnels que cela peut occasionner dans une équipe.
Il serait irréaliste de penser que ces situations sont minoritaires.
Un petit sondage sur un groupe facebook d’animateurs ont donné les résultats entre parenthèses (sur 179 sondés).
Qui n’a jamais rencontré une des situations suivantes :
- Le projet pédagogique n’a pas été réfléchi en équipe (48%)
- Je travaille dans une structure d’animation où personne ne m’a parlé du projet éducatif (12%)
- Le projet pédagogique ne semble pas découler du projet éducatif ou ne définit pas de méthodes claires pour guider l’équipe d’animation (5%)
- Le projet éducatif de la structure d’animation qui m’embauche semble lister des banalités qui ne renseignent pas vraiment de l’orientation éducative à viser
- Le projet éducatif ne semble pas cohérent avec les principes de l’éducation populaire
Il est probable que ces résultats sont à majorer, car les animateurs qui sont sensibles à ces questions ou qui travaillent “correctement” sont naturellement plus attirés à répondre…
De plus, une proportion non négligeable d’animateurs (notamment parmi ceux qui ne considèrent pas leur rôle comme éducatif) travaillent généralement avec des directeurs qui ne le considèrent pas non plus (et ainsi, le contenu des projets pédagogiques est différent).
Ces situations malheureusement fréquentes sont des freins au bon fonctionnement d’une structure, à la cohérence d’une équipe, au caractère éducatif de l’ACM, à la formation continue des animateurs, à la bienveillance garantie de tous les instants envers le public.
L’animateur a souvent le choix des activités et de sa menée : Quelles sont les habitudes à remettre en question?
Très souvent, l’activité est perçue comme une finalité en soi par les animateurs et souvent même par les directeurs. Il s’agit bien souvent de répondre à l’attente des parents, et d’occuper les enfants avec des activités qui plaisent au plus grand nombre.
Dans ce type de démarche, les valeurs et l’aspect pédagogique sont relégués au second plan. On le constate d’ailleurs bien souvent lorsqu’on va questionner les animateurs sur leurs choix d’activités.
Un animateur qui n’utilise pas le projet pédagogique comme base de travail va se focaliser sur d’autres objectifs :
- Proposer des activités nouvelles afin de « changer un peu d’habitude » (sans se questionner sur l’utilité d’un tel changement auprès de son public)
- Proposer des activités en lien avec un thème imposé (les pirates, le moyen âge, le tour du monde, l’espace, l’univers Disney etc …)
- Proposer des activités qui ont l’habitude de plaire aux enfants (“ils aiment ça, l’important c’est qu’ils aient le sourire”)
Un animateur qui utilise un projet pédagogique comme base de travail va se poser d’autres questions avant d’envisager de proposer une activité :
- Quels sont les objectifs et les valeurs mises en avant dans le projet pédagogique ? (exemple : Me demande-t-on de développer plutôt l’autonomie et l’épanouissement individuel ou plutôt la cohésion de groupe et le consensus ? Les enfants doivent-ils apprendre à faire des choix ou plutôt apprendre à se plier aux contraintes de la vie de groupe ?)
- Quels sont les besoins et les attentes de mon public ? (Quelles sont leurs capacités ? Leurs passions ? Dans quel environnement social et culturel grandissent-ils ? Ont-ils des carences ?)
Demandons-nous toujours, lorsque nous choisissons de mettre en place une activité, pourquoi celle-là et pas une autre ?
L’un des défauts des formations BAFA est de mettre autant l’accent sur les activités, les jeux, les chansons, au détriment de ce que l’on pourrait appeler la « relation éducative ».
Beaucoup de stagiaires BAFA sortent de leur formation avec un catalogue d’activités à mettre en place. Ainsi, ils voient leur rôle comme celui d’un « prestataire d’activités ».
Il leur faudra alors de l’expérience et des directeurs imprégnés par l’éducation populaire pour enfin comprendre le sens de cette relation éducative qui permet aux animateurs de contribuer réellement au développement des enfants.
Car au final, c’est bien de cela dont il s’agit.
L’activité, le jeu, n’est qu’un outil parmi d’autres. L’important est d’apprendre à savoir évaluer la pertinence d’une action vis-à-vis d’une situation donnée, d’un public particulier, et savoir s’adapter, changer de méthode, changer d’outil, pour contribuer le plus efficacement possible à l’épanouissement et l’émancipation de notre public.
La menée d’activité est aussi déterminante : Quelle place laissée aux enfants pour la choisir, pour la co-mener, pour y débattre ?
L’animateur semble trop souvent chercher une idée plutôt qu’une forme pour la mener.
Or, la forme, c’est à dire toutes les questions liées à la directivité, à l’autonomie, au vivre-ensemble, à la responsabilisation, à la liberté d’imaginer, semble au moins aussi importante que le sujet à proprement dit.
Les formes d’animation de base sont nombreuses : Pour aller plus loin
Enfin, il existe d’autres formes pédagogiques plus globales permettant de concevoir le choix de l’activité comme secondaire (activités spontanées, pédagogie de la décision, pédagogie de la liberté…).
Conclusion
Les textes définissant le rôle de l’animation volontaire et professionnelle, et leurs formations, sont explicites et parlent clairement d’éducation, de pédagogie.
L’ensemble des chercheurs et pédagogues s’entendent pour signifier que tout est éducatif, et que l’enfant sera sensible à toutes les influences qu’il recevra.
En conséquence, s’il est théoriquement possible de fuir le rôle “institutionnellement” éducatif de son métier, doit-on rappeler que l’animateur est supposé proposer des activités ludiques et éducatives complétant les apprentissages familiaux et scolaires ?
Si l’on pense schématiquement que la famille éduque culturellement, l’école éduque intellectuellement, l’animateur éduque socialement, l’enfant se construit en fait à partir de toutes les influences continuelles et sur tous les domaines sans conscience claire en ne discernant que des situations familiales, institutionnelles ou personnelles.
Il n’est pas possible de fuir (en toute connaissance des dimensions légales et théoriques) la dimension éducative de l’animateur.
Que nous le souhaitions ou pas, notre attitude éduque, comme celle de tout l’entourage de l’enfant.
Nos interventions (ou nos absences d’intervention) éduquent.
La seule question qui demeure ne semble donc pas “souhaitons-nous transmettre ou pas?” mais “que souhaitons-nous transmettre ?”
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« Personne ne sait tout, ni personne n’ignore tout, personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent entre eux par l’intermédiaire du monde. » Paolo Freire – 1968
Il y a une confusion entretenue entre “éduquer” et “apprentissages” qui permet le sophisme délicieux : comme “tout éduque”, nous “éduquons”. Et si jamais la rhétorique ne suffisait pas, avancer (ouvrir et finir) par l’argument juridique me paraît tout autant fallacieux. Problème : si “tout” est “éducation” alors “rien” l’est aussi et nous revoilà au point de départ. La loi suffirait-elle à justifier cette domination adulte ? Je doute.
Je ne comprends pas cette analyse Paul. Oui, comme tout éduque, nous éduquons, non? Quant aux textes qui cadrent notre secteur d’activités, il me semble intéressant qu’ils soient cités, non?
Si “tout est éducation”, alors… tout est éducation… mais je pense que nous ne nous entendons pas sur “tout éduque”… Quel est ton point de vue sur la question?
Je suis désolé de ne comprendre aucune de tes phrases… Si tu es intéressé pour t’exprimer davantage, tu es le bienvenu !
Alors pour délayer…
Ma première remarque sur l’éducation et les apprentissages venaient différencier deux choses forts différentes. Pour la simple et bonne raison qu’il y a des moments où l’on apprend sans forcément qu’il y ait éducation, c’est-à-dire intention de sa part, intention et “projet” d’une autre personne (quelle que soit son métier) ou intention d’une organisation qui se veut éducative (école et autres institutions dites éducatives). De fait, on apprend sans être éduqué (et encore heureux). Si on pousse un peu, on se rend facilement compte que, malgré mes belles intentions éducatives, je peux avoir quelques difficultés à saisir les apprentissages effectivement dus à l’action éducative (suffit de regarder les beaux résultats PISA). De ce fait, on apprend sans être éduqué, et en plus, même quand on l’est, c’est pas dit que ça marche (et encore heureux). Du coup, tout n’éduque pas et on peut se demander à quoi sert d’éduquer.
Deuxième remarque. Les textes qui “cadrent notre activité” (c’est bien formulé) ne vont rarement (jamais) aller à l’encontre de ce qu’ils veulent promouvoir, l’éducation. En prenant un peu de recul sur les “projets” (éducatifs, pédagogiques, etc.), ce n’est pas n’importe quelle “éducation” – soi-disant “neutre” – qui est promue par les textes réglementaires, les circulaires, et les interprétations plus ou moins foireuses que l’on peut en faire. Or, et surtout pour les chantres de l’éduc’ pop’, toute éducation ne se vaut pas ou, du moins, derrière les “méthodes” et autres “outils”, peut se dessiner un projet politique discutable… En cette période d’élections, on trouve des exemples fumeux comme les récurrentes controverses entre les “pédagogistes” et les “réaconservateurs”. Sans oublier que les “colos” en ont vu des belles passées mais les analyses sont rares. Donc, non, je doute que l’on puisse définir l’éducation en s’appuyant sur des textes ministériels qui cherchent justement à produire des loisirs éducatifs.
Troisième remarque, en somme, c’est quoi l’éducation ? Contrairement à ce qui est supposé dans le texte, ce n’est pas “tout” ni “partout” ni tout le temps… sinon ce serait “rien” et on serait (pas) bien avancé. Or… il suffit de décaler un peu la question : qui (ré)éduque-t-on ? Globalement : les mineur-es, les fous, les pauvres, etc. Comment ? Bien souvent par le passage dans une institution spécialisée, bien encadré par des professionnel-les, suivant un programme stricte, une organisation spatiale et temporelle et des menaces disciplinaires. Autant d’éléments d’une relation de pouvoir, d’une domination d’un groupe sur un autre qui impose un régime particulier. C’est (aussi) ça l’éducation mais on peut la déguiser derrière d’autres mots si on veut, hein. Elle peut être “globale” (comme beaucoup aiment à le dire) et… totalitaire ; mais ludique, sauvé !
Alors, oui, je fuis l’éducation… et je ne suis pas éducateur. D’autres l’ont fait bien avant moi ou continueront à le faire (et encore heureux). Et d’autant plus, peut-être, lorsqu’il est question de loisir mais c’est une autre histoire.
Ton premier paragraphe donne de l’eau à notre moulin. J’en suis d’accord. Tout est éducatif, même la rue, l’ennui, ou l’absence de cadre ou d’éducateur. Et lorqu’il y a éducateur, il n’est pas sûr de parvenir à ses objectifs, s’il en a. Mais il éduquera… Peut-être pas comme il voudra, certes. Nous pensons qu’il éduquera mieux s’il en a conscience, s’il y réfléchit, c’est le sens de cet article. Peut-être que la nuance entre tes propos et les nôtres se situe dans un cadre de référence de vocabulaire. Si l’on s’en tient à la définition de Roger Gal, “l’éducation comprend toutes les influences qui peuvent s’exercer sur l’individu pendant sa vie”, l’animateur étant une influence, ou un créateur d’influences…
Concernant ton paragraphe sur les textes, bah… oui. Il peut y avoir une intention ministérielle (qui dans les faits sont plus une influence des mouvements d’éduc pop qui souhaitent de cette façon, survivre dans le champ éducatif), malhonnête, manipulatrice (c’est le cas avec les derniers ajouts de notion de “république” dans les textes du BAFA). Mais les textes appellent chacun à se positionner, par l’écriture de projets réfléchis dans le secteur éducatif. Tu sembles nous le reprocher dans notre écrit mais c’est ainsi. Et nous trouvons même ça plutôt bien. Ca cadre par exemple un petit peu les organisateurs type “agences de voyage” en leur rappelant que leur public sont des enfants, et donc qu’ils ne peuvent pas faire n’importe quoi, ça oblige les municipalités à se poser des questions de valeurs etc.
Ta troisième remarque affirme ta première. Mais je crois que c’est une question de définition, vraiment…
Bien à toi…
Ahem. Réaffirmer que tout est éducatif dès la première phrase, en écho, me semble assez symptomatique. Il semblerait que l’explication pour distinguer “apprentissages” de “éducation” n’ait pas été suffisamment claire. Ce n’est pas parce qu’il y a apprentissages que c’est “éducatif”… L’animation peut ne pas être éducative (et même si ces actions peuvent éventuellement provoquer des apprentissages).
Mais si j’en crois l’auteur invoqué, Roger Gal, je comprends mieux le décalage. En reprenant sa carrière, on comprend sa définition élargie (exagérément) de l’éducation qui arrange bien les associations d’éducation populaire et autres militants. Elle permet justement d’étendre l’éducation à tout et n’importe quoi ; ce qui est relativement pratique et sans jamais préciser la notion d’influence. Ça ne saurait se résumer à un problème de définition.
De la même façon, le cadre législatif et réglementaire n’empêche nullement les agences de voyages de proposer des séjours éducatifs dont les parents de classes moyenne et supérieure sont friands. Pas plus qu’il n’empêche les fusions-acquisitions entre Aludéo, UCPA et Telligo. Les mêmes valeurs les réunissent ? Il semblerait. Peut-être même sous la bannière de l’éducation ? Pour ma part, ça ne m’intéresse pas ni ne me concerne et, tant qu’à faire, je préfère plutôt m’en distinguer.
Merci Paul pour ta réponse. Il semble que nous ayons fait le tour de nos divergences.
Bien à toi.
hello avez vous la source dz ectte obligation en 2018 ?? merci:’nous rappelons à ce propos que le projet pédagogique comme document, n’est plus obligatoire dans les textes en tant que tel, mais que le directeur doit être en mesure de présenter, en cas d’inspection notamment, mais aussi en cas de demande formulée par un parent, les choix pédagogiques de l’équipe d’animation. Cela peut prendre de multiples formes, écrites, picturales’
Bonjour,
la notion pédagogique, de valeurs est absente du cadre réglementaire depuis 2006 du “document demandé” (ancien “projet pédagogique”), qui ne doit comporter que :
* La nature des activités proposées en fonction des modalités d’accueil,
* La répartition des temps respectifs d’activité et de repos ;
* Les modalités de participation des mineurs ;
* les mesures envisagées pour les mineurs atteints de troubles de la santé ou de handicaps ;
* Les modalités de fonctionnement de l’équipe constituée du directeur mentionné au premier alinéa, des animateurs et de ceux qui participent à l’accueil des mineurs ;
* Les modalités d’évaluation de l’accueil ;
* Les caractéristiques des locaux et des espaces utilisés.
Il semblerait donc que les questions éducatives et pédagogiques n’ont l’obligation d’être réfléchies et décrites que dans le projet éducatif…
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