Le sport et l'enfant

Colonie sportive

Evasoleil propose des colonies de vacances sportives et a souhaité faire un point sur le rôle du sport dans l’enfance et l’adolescence. Nous avons choisi de rassembler plusieurs études scientifiques qui mettent en lumière de grands principes concernant le sport et la jeunesse. Cette page n’est pas exhaustive : nous invitons chacun à lire les sources citées dans les références.

Pourquoi faire du sport ?

Derrière le mot « sport », nous entendons plusieurs réalités : le haut niveau, la compétition, le sport en structure dirigée ou encore l’activité physique au sens large. Cette dernière définition, proposée par Caspersen, Powell et Christenson (1985), englobe tout mouvement provoquant une dépense d’énergie. Elle inclut les exercices physiques et le sport, ainsi que les exercices moins dirigés de la vie quotidienne (courir, soulever des poids ou faire du vélo, par exemple).

Même si le « sport » désigne aussi les activités compétitives réglées et structurées, il nous semble essentiel de ne pas s’y limiter lorsqu’on étudie la santé physique et les apprentissages (physiques et sociaux) de l’enfant et de l’adolescent.

Des raisons physiques et physiologiques : le sport est bon pour la santé – mythe ou réalité ?

De nombreuses études scientifiques* ont démontré l’intérêt d’une activité physique chez l’enfant dans les domaines suivants :

  • Santé mentale (anxiété, dépression, perception de soi, bien-être)
  • Masse corporelle
  • Santé cardiovasculaire
  • Concentration, mémoire, prise de décision, comportement en classe
  • Meilleure minéralisation osseuse

*Source : “Physiologie du sport – Enfant et adolescent” // Étude dirigée par Emmanuel Van Praagh

Des raisons psychiques et sociales

L’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (INJEP) affirme que « la pratique d’une activité physique et sportive joue un rôle positif sur la santé, le bien-être et l’intégration sociale des individus ». Par ailleurs, l’activité physique semble aussi bénéfique pour l’estime de soi, la socialisation et l’intégration.


L’estime de soi

L’estime de soi est une construction mentale qui n’exclut a priori aucun domaine, qu’il soit social, académique ou physique. Les enfants vivent la plupart du temps leur engagement sportif comme un libre choix ou comme la conclusion d’une négociation ; seulement 6 % d’entre eux estiment que cette activité leur a été imposée. 87 % des pratiquants sont satisfaits de leur discipline, et les enfants ayant participé à la décision affichent un indice de satisfaction supérieur à celui des autres.

Chez l’enfant, l’activité physique est directement associée au plaisir et à l’augmentation de l’estime de soi, bien avant d’être liée à la santé, du moins en ce qui concerne la motivation. Par conséquent, pour encourager la pratique, les éducateurs physiques, les animateurs et les parents ont tout intérêt à promouvoir à la fois la motivation, les sensations de bien-être et l’autonomie de l’enfant.

Des études ont montré que la pratique d’un sport influençait réellement l’estime de soi via quatre facteurs : l’apparence physique, l’amélioration des compétences sportives, la force et la condition physique. L’impact de chacune de ces quatre facettes varie selon l’individu, son âge et son sexe. Par exemple, chez les garçons de 14 ans, la condition physique semble plus déterminante que chez les filles du même âge, qui accordent davantage d’importance à l’esthétique corporelle. De plus, la valeur physique est plus estimée chez les enfants de 12 ans que chez ceux de 14 ans, reflétant une évolution des représentations au fil du développement.

Des stratégies de valorisation de l’estime de soi grâce au sport pourraient être mieux utilisées par les éducateurs en général. Fox (1988) a suggéré trois axes :

  • Mettre en place un environnement qui valorise la participation et non seulement les résultats dépendant de l’aptitude physique.
  • Mieux informer les enfants de l’importance de la forme physique et de l’utilité d’une activité, plutôt que de la seule performance.
  • Proposer des actions de « rattrapage » pour certains enfants, car l’efficacité est maximale pour ceux dont l’estime de soi est la plus basse.

Le plaisir

Des moments agréables vécus au cours de l’activité physique incitent à une participation durable ; ils représentent à eux-seuls un résultat psychologique positif. Pourtant, malgré l’intérêt grandissant des chercheurs pour ce sujet, on manque encore de recul. Par exemple, Csikszenmihalyi (1975) avance que le plaisir atteint son intensité maximale lorsque les capacités personnelles sont mises à l’épreuve de façon optimale, en lien avec la motivation et le contrôle personnel.


Le plaisir vs la récompense

Selon la théorie de l’évaluation cognitive (Deci et Ryan, 1985), la perception du contrôle compte plus que la récompense perçue. Cette dernière ne reste associée à la motivation et au plaisir que si l’individu estime maîtriser ses actions. Des expériences en milieu scolaire (avec des adolescents pratiquant des sports mixtes familiers, puis d’autres moins connus) ont confirmé ce principe en comparant le plaisir ressenti, alors même que les notations restaient équivalentes.


Le rôle socialisateur du sport

On considère souvent le rôle du sport dans la socialisation des jeunes comme une évidence, mais la question est complexe. Pendant longtemps, dans une perspective pédagogique, on assimilait la socialisation au simple respect des règles du jeu sportif (règlements, arbitre, entraîneur), ou aux bienfaits d’une pratique en collectif pour apprendre à perdre ou gagner dans un esprit de fair-play.

Cependant, la socialisation ne se limite pas à la transmission de valeurs, normes et règles ; elle passe aussi par un processus d’identification. Les champions admirés par les enfants (81 % d’entre eux voudraient en rencontrer) constituent donc un sujet important. Ces champions sportifs ne sont pas les seuls héros des enfants, mais l’enquête montre qu’ils arrivent en tête, devant les chanteurs et les acteurs.

L’étude a également comparé les représentations des enfants et des jeunes concernant les dérives du sport (dopage, violence, etc.), que la majorité d’entre eux regrette et rejette. Les enfants et les jeunes savent ainsi distinguer l’éthique sportive de ses déviances.

Elle conclut : « Le sport ne peut plus être considéré comme une vaste machine à socialiser. L’une de ses principales fonctions idéologiques consistait à offrir des modèles de citoyenneté, de santé, de justice… Le Heysel, Ben Johnson ou encore l’affaire OM-Valenciennes montrent aujourd’hui la faiblesse de cette promesse. Pour être réellement efficace, la pratique sportive des enfants doit passer par une diversité d’instances et de procédures qui, au-delà des discours, leur font vivre au quotidien le processus de socialisation. »

Des facteurs qui encouragent ou limitent la pratique sportive

Au sein de la structure familiale et environnementale

Le niveau de vie

Sport et niveau socialNous ne sommes pas tous égaux face au sport, et les enfants non plus. L’origine sociale des jeunes détermine déjà la possibilité d’accéder à un sport. Le revenu des familles discrimine le type de pratique : l’équitation, le golf ou les sports nautiques, par exemple, exigent généralement un budget plus important. Une étude montre que le football et le vélo restent les activités de prédilection des enfants d’ouvriers, comme elles le sont pour leurs parents ouvriers. Les enfants de cadres, eux, pratiquent davantage le tennis, comme leurs parents.

L’observatoire des inégalités rapporte que “les plus aisés sont non seulement plus nombreux à pratiquer une activité sportive, mais ils la pratiquent aussi plus régulièrement.” De plus, ces groupes sociaux fortunés ont tendance à planifier les loisirs en s’inscrivant en club, dans une démarche plus programmée de “faire faire” du sport aux enfants. En revanche, les familles modestes préfèrent l’auto-organisation, généralement à proximité du domicile (parties de foot dans la rue, jeux entre enfants du quartier), d’où une forme de “laisser-faire”.


Les habitudes familiales

Un autre facteur majeur qui influence la pratique sportive des enfants concerne l’habitude familiale. Aussi déterminant que les facteurs environnementaux, l’hérédité est à prendre en considération. Au sein des familles convaincues de l’importance de l’activité physique pour la santé, la pratique d’un sport est plus fréquente. Les enfants reproduisent les comportements (sédentaires ou sportifs) de leurs parents et de leurs proches : si, par exemple, les temps libres s’organisent autour de jeux vidéo ou d’écrans, cela reflète une routine ancrée. En revanche, les week-ends rythment davantage des activités extérieures et physiques si les parents en ont pris l’initiative.

Le soutien parental modifie donc les comportements et la motivation à pratiquer une activité. “Des enfants aux adultes, chaque population se donne à voir un peu comme le miroir de l’autre. Y transparaît ce qui se transmet, change ou perdure, au point que l’on peut parler d’une reproduction sociale des pratiques.” (Pratique sportive des enfants et rôle socialisateur du sport, M. Augustini, P. Duret, P. Irlinger, C. Louveau)


L’âge et le sexe

Le taux de pratique sportive au cours des 12 derniers mois est de 50 % pour les hommes et de 45 % pour les femmes, selon l’Insee. De plus, les enfants se basent sur leurs modèles parentaux pour appréhender l’univers sportif. Les garçons (comme leur père) y voient un potentiel d’action ; ils s’engagent plus intensément et souvent dans des structures institutionnelles. Les filles, quant à elles, perçoivent dans la pratique sportive un potentiel de séduction ; elles la pratiquent moins souvent et choisissent en majorité des disciplines à dimension artistique, comme la danse ou la gymnastique. En parallèle, l’institutionnalisation de la pratique diminue avec l’âge. Les enfants font plus de sport en club que les pré-ados, et les pré-ados en font plus que les ados.

Dans le contexte institutionnel et sociétal

L’État, l’école, les institutions

Les institutions, et plus particulièrement l’école, jouent un rôle majeur dans la croissance de la pratique sportive chez les enfants. Sur une semaine d’école, les cours d’EPS assurent le maintien et la régularité de la pratique, notamment chez les plus jeunes. Ils sont presque deux fois plus actifs que les adolescents durant les temps scolaires. Pour tous, plus d’un tiers de l’activité physique quotidienne a lieu à l’école.

Climat de maîtrise vs climat de performance

Une étude a analysé deux aspects au sein des cours d’EPS : le “climat de maîtrise” et le “climat de performance”. Le deuxième renvoie à l’idée d’une compétition entre élèves qui craignent de faire des erreurs et de perdre. Les conclusions montrent que le plaisir ressenti par les élèves augmente lorsqu’ils perçoivent un climat de maîtrise. Quand ils cherchent à progresser et à maîtriser une tâche, ils éprouvent une motivation intrinsèque qui encourage la pratique sportive.

Les cours d’éducation physique et sportive visent à développer et mobiliser les ressources enrichissant la motricité des élèves, tout en leur donnant accès à un patrimoine de culture physique et sportive. L’objectif final est de les former pour en faire des citoyens lucides, autonomes et épanouis, “physiquement et socialement éduqués”. (BO n° 11 du 26/11/2015 pour le collège et BO n°1 du 22/01/2019 pour le lycée)

Activité physique et écart aux recommandations

En plus de l’EPS, les élèves passent plus d’1h30 par semaine (sur les 24 heures de classe) dans la cour de récréation à jouer librement. Depuis quelques années, des aménagements extérieurs (peinture fluorescente, marquages au sol, équipements, etc.) encouragent davantage l’activité physique des enfants. Dans nos sociétés modernes, la sédentarisation progresse, y compris chez l’enfant et l’ado. Si les recommandations internationales de santé préconisent une heure quotidienne minimum, l’étude de Gavarry et al. (2003) a montré que 22 % des enfants et 41 % des adolescents ne suivaient pas ce conseil, et que l’activité physique était plus élevée les jours d’école.

Par ailleurs, l’écart grandit avec l’âge. Les filles sont moins nombreuses que les garçons à pratiquer régulièrement. D’après Simon et al. (2005), 40 à 45 % des enfants et adolescents français manquent d’activité pour respecter les recommandations internationales, et 70 % des ados ne parviennent pas à accumuler 60 minutes d’activité modérée par jour. L’État cherche donc des moyens d’augmenter la part de l’activité physique dans la vie des jeunes. Les différentes initiatives d’aménagement urbain ou scolaire répondent à ce besoin. (Source : Évaluation et promotion de l’activité physique de jeunes français du Nord-Pas-De-Calais via l’accélérométrie, Aurélie Blaes)

*Andersen et al. (2006) suggèrent toutefois que cette heure par jour est peut-être sous-estimée, et recommandent plutôt 90 minutes pour prévenir les facteurs de risque cardiovasculaire chez l’enfant.


Les instances péri et extra scolaires

Si l’école favorise la pratique sportive, elle n’est pas l’unique solution. Dès 2003, l’enquête “Bien manger… bien bouger” révèle que 80 % des enfants interrogés aimeraient faire plus de sport, et plus de 50 % en pratiquent déjà en dehors de l’école. Cela laisse un peu moins de 50 % d’enfants sans accès à un sport hors du cadre scolaire. Les chiffres montrent que les enfants (8-12 ans dans cette enquête) apprécient l’effort physique. Ils se situent à un stade-clé de leur développement. Il s’avère donc important de renforcer les leviers psychologiques et éducatifs pour pérenniser cette attirance (“Votre enfant et le sport”, Dr Michel Binder, pédiatre, Clinique du Sport – Paris V).

Les programmes de l’école assurent environ un tiers des recommandations quotidiennes, mais il faut penser à d’autres lieux et espaces pour autoriser la dépense physique, surtout via des jeux libres. Ces jeux informels affichent un niveau d’activité plus intense que les activités structurées ou organisées.

Références

Observatoire des inégalités : https://www.inegalites.fr/Activites-sportives-des-pratiques-inegales

Sport, activité physique et santé chez l’enfant — Pratiques sportives des enfants et rôle socialisateur du sport : https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1994_num_47_2_2094

Children’s Sport Participation in Canada: Is it a Level Playing Field? / La participation sportive des enfants au Canada : https://www.erudit.org/fr/revues/ijcs/2007-n35-ijcs3716/040766ar/

Évaluation et promotion de l’activité physique de jeunes français issus du Nord-Pas-De-Calais au moyen de l’accélérométrie : influence de l’âge, du sexe et du milieu socio-économique (Aurélie Blaes)

Votre enfant et le sport, Dr Michel Binder, pédiatre, médecin du sport de l’enfant et de l’adolescent à la Clinique du Sport (Paris V)


Aller plus loin :

Conférence gesticulée d’Anthony Pouliquen : “Une autre histoire du sport ou pourquoi je ne serai jamais Luis Fernandez”