L’association Evasoleil est née d’un profond respect des enfants et de leurs droits, inscrits dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE). Sans toutefois le dire, la construction des séjours a toujours eu pour but de respecter et promouvoir ces droits.
Depuis 2015, c’est de façon plus concrète et plus consciente qu’Evasoleil s’engage pour la promotion et le respect de la CIDE.
Quelques articles racontent l’histoire de cet engagement et proposent des outils pour s’engager, car chaque année de nouvelles actions voient le jour et de nouveaux articles sont mis en ligne, comme le projet “La colo : enjeu de société”, qui est devenu autonome grâce au partenariat avec Lilo.
En 2019, l’Assemblée Générale a choisi de consacrer des excédents financiers (dus aux succès inattendus des actions de l’association) à l’embauche d’une animatrice dédiée à la sensibilisation aux droits de l’enfant sur les séjours d’août à Montalivet et à la création d’une valise pédagogique à cette même fin.
Qui a écrit cet article ?
Mathieu Mauvieux, co-directeur du séjour d’août à Montalivet, engagé dans l’association Evasoleil depuis 2013.
Sarah Mayer, animatrice du projet de sensibilisation aux droits de l’enfant, qui a suivi un cursus universitaire pour sensibiliser les jeunes aux droits fondamentaux.
Pourquoi écrire un nouvel article ?
Nous avons en effet déjà beaucoup écrit sur les droits de l’enfant, sur l’importance de les connaître autant que sur la surprenante méconnaissance du sujet par les enfants comme par les adultes, ainsi que sur les moyens de remédier à cette situation, notamment avec l’article “Comment animer les droits de l’enfant ?”. Nous n’avons certainement pas tout dit sur ces sujets et nous écrirons encore. Cependant, ici, nous aimerions juste faire un arrêt sur image, prendre le temps de comprendre ce que nous avons vécu pendant les 4 semaines d’existence de ce projet. Ainsi, nous espérons que nous pourrons ensemble en tirer un savoir ouvrant la voie vers d’autres projets du même type.
Comment ce projet a-t-il pris vie ?
La prétention n’était pas de faire en sorte que tous repartent avec la connaissance de la liste complète des droits de l’enfant prévus par la Convention, mais de donner l’opportunité à chacun de s’en saisir selon son envie et ses capacités. Certains ont découvert l’existence même de la Convention, d’autres en ont saisi les principes directeurs et quelques-uns auront été plus loin dans l’exploration de certains droits précis et se seront questionnés sur leur application réelle…
Plan de nos actions :
- S’accorder une réelle attention aux droits de l’enfant
- Inviter les droits dans la colo
- La valise de Sid : une ressource pour les droits
- Révéler ce qui se cache au fond des projets
- Se mobiliser pour les droits
1- S’accorder une réelle attention aux droits de l’enfant
En effet, rien ne sert de courir, il faut être au point. Les animateurs sont comme le reste de la population. La majorité d’entre eux méconnaissent les droits de l’enfant et n’y voient aucune application réelle dans leur quotidien.
Pour mobiliser les animateurs sur le projet, il fallait d’abord qu’ils prennent conscience pour eux-mêmes, en tant qu’adultes, qu’il est indispensable et fondamental de connaître ses droits pour exercer pleinement sa vie de citoyen. L’idée était que, une fois cette intériorisation faite, l’engagement pour la sensibilisation des enfants à leurs droits en découle :
“J’ai pris conscience que la connaissance de mes droits est importante pour vivre ma citoyenneté, alors elle l’est aussi pour l’enfant, qui est un citoyen d’aujourd’hui – et non pas un citoyen de demain comme on peut souvent l’entendre”.
Cette première étape est passée par la diffusion d’une publication interne à l’équipe, réalisée par Sarah en amont du séjour.
Puis, pour faire ce lien avec les droits de l’enfant et le contexte du séjour de vacances, pour faire naître ou mettre en lumière un engagement, nous avons proposé aux animateurs de mener des temps de formation à destination de leurs pairs :
- L’incorporation de la parole de l’adulte dans la construction identitaire de l’enfant – par Yann, coordinateur intergroupe en août 2019
- La gestion de conflits comme moyen de prévenir le harcèlement, et l’exemple de la justice restaurative, par Lily, coordinatrice intergroupe en juillet 2019
- Etre animateur bénévole pour le projet “La colo : enjeu de société”, par Théodore, animateur référent individualisation du groupe des 11-14 ans en août 2019 (article co-écrit avec Aline, animatrice référente individualisation du groupe des 16-17 ans en juillet).
- La participation des enfants : présentation de l’échelle de R. Hart, par Tristan, animateur référent vivre ensemble en juillet 2019
2- Inviter les droits dans la colo
La dynamique a été lancée en proposant des activités de sensibilisation aux droits de l’enfant sur les groupes afin de répondre aux besoins spécifiques des enfants et des jeunes ou à certaines de leurs sollicitations.
Récit de Sarah :
Pour la première activité proposée chez les 6-10 ans, il fallait viser juste : partir de la base mais être efficace pour les embarquer sur la suite du projet. Plus que tout, il fallait que cela soit concret : l’occasion parfaite d’utiliser notre mascotte du projet, Sid. J’ai proposé une activité issue du “Repères juniors”, renommée pour l’occasion “Les droits de Sid”. Cette activité consistait à interroger les enfants sur les choses nécessaires au sujet choisi (ici, notre mascotte Sid) pour vivre heureux. Après avoir listé tous les éléments de réponse donnés par les enfants (il est important de tout noter, sans restriction), je questionnais ensuite les enfants sur les personnes ayant la responsabilité de veiller à ce que Sid ait accès à tous ces éléments. Puis, je répétais le procédé en remplaçant le sujet par “Enfant” : “De quoi a besoin un enfant pour vivre heureux ? Qui a la responsabilité de veiller à ce que l’enfant ait tout ce dont il a besoin ?” Une fois les réponses collectées, j’invitais les enfants à observer la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (j’utilisais pour ma part une représentation matérielle des 4 niveaux de connaissance de la CIDE (visible sur l’infographie plus haut) par des sacs thématiques contenant des kaplas sur lesquels étaient notés tous les droits), et ensuite à comparer le contenu avec les deux listes établies auparavant. L’objectif était de leur faire réaliser que les éléments qu’ils avaient donnés pour répondre aux questions correspondaient en réalité aux droits de l’enfant. Cette activité est à la fois simple et puissante puisqu’elle fait prendre conscience aux enfants qu’ils connaissent naturellement les besoins nécessaires à leur développement et à leur épanouissement, sans avoir besoin de l’aide des adultes pour les identifier.
Ce pan du projet était important car les activités, basées sur les méthodes de l’éducation non-formelle, sont conçues pour aborder, intérioriser, comprendre et vivre les droits. Toutefois dans le contexte d’une colonie de vacances co-construite comme Evasoleil, il est très délicat de mettre en place des moments proposés et animés par un adulte. Les jeunes pourraient ressentir la proposition comme de l’ingérence ou une confiscation du pouvoir et ne pas venir. L’activité se doit donc d’être très respectueuse du fonctionnement mis en place par les jeunes pour avoir leur adhésion et ne pas entrer dans une forme de démagogie où nous leur parlons de leurs droits en les leur confisquant. Dans cette logique, il était important pour la réussite de la démarche que ces temps soient portés par un animateur extérieur au groupe. En effet, dans un tel fonctionnement, l’animateur de groupe ne pourrait disposer de cette double casquette et être tantôt accompagnateur des projet de jeunes, tantôt force de propositions et organisateur, sans susciter une défiance ou une incompréhension de la part des jeunes.
Il a donc fallu respecter des lignes directrices pour cadrer ces actions :
Être transparent dès le premier jour : il a été important de donner aux jeunes un maximum d’informations sur les ateliers (le but, les conditions, l’heure, le jour, le contenu, dans la mesure du possible). Ce n’est qu’en étant clair que l’on peut rassurer les jeunes sur l’honnêteté de notre démarche.
La participation volontaire : ces activités ne devaient jamais être un moment obligatoire. Ceci implique de donner envie aux jeunes de participer à l’activité mais sans en dévoiler le contenu car ce sont souvent de mini expériences sociales qui fonctionnent mieux si on n’y est pas préparés.
Des activités bien ciblées : les activités étaient créées sur mesure pour tenir compte des besoins et des envies du groupe ; ce qui nécessitait d’analyser le groupe, d’observer les jeunes et de discuter avec eux en amont pour trouver la thématique la plus pertinente à traiter et prendre en compte la dynamique du groupe. Ce type d’activités remuent les jeunes et peuvent faire éclater les tensions existantes dans le groupe ou avoir un impact inattendu. Pour construire l’atelier en anticipant ses conséquences, il était donc primordial de s’associer à un animateur référent du projet dans le groupe d’âge afin qu’il apporte un regard plus précis et plus pertinent sur les jeunes et le groupe.
Suite du récit de Sarah :
L’activité elle-même a été très bien accueillie et investie par le groupe, quasi complet pendant l’intégralité du temps. Mais sa réussite s’est véritablement ressentie par la suite puisqu’elle a impulsé des envies et des idées de projets autour des droits chez certains enfants.
C’est ainsi qu’est né sur cette tranche d’âge le projet de construire une cabane pour protéger Sid de la pluie et lui permettre de dormir au chaud : une réalisation directe et concrète du droit au bien-être et du droit de vivre des conditions décentes abordés plus tôt dans l’activité “Les droits de Sid”.
La plupart des ateliers menés sur les groupes ont été de vraies réussites. En effet, lorsque les lignes directrices fixées sont respectées, l’efficacité de ces temps de sensibilisation est incontestable. Cependant, d’autres ateliers ont connu un succès mitigé. Les difficultés internes aux groupes ont parfois mis à mal l’organisation de certaines de ces activités ; par exemple, une erreur de diagnostic a amené à mettre en œuvre un débat chez les 16-17 ans dont la forme et le fond étaient trop intenses et ont fait éclater les tensions existantes sur le groupe.
3- La valise de Sid : une ressource pour les droits
Une valise de ressources ludo-pédagogiques était à disposition des jeunes à l’espace rencontres, commun aux 4 groupes.
Composée de quelques jeux de société, achetés ou créés pour l’occasion, du sac des droits, de contes et de livres ciblés sur des questions liées aux droits de l’enfant, elle était à disposition de tous à tout moment de la journée, à consulter sur place ou à emprunter sur son camp.
L’enjeu ici était de donner aux enfants l’envie de l’ouvrir et de découvrir son contenu afin de s’en emparer en autonomie.
Il a donc fallu accompagner les enfants dans cette découverte en proposant de jouer aux jeux sur des temps informels ou en leur “mettant les livres entre les mains” si le fil d’une discussion laissait entrevoir un possible intérêt.
Récit de Sarah :
J’ai rapidement présenté aux groupes d’ados le jeu de “La Mafia” : jeu de cartes sur le modèle du loup-garou permettant une éducation à la citoyenneté en abordant les concepts de propagande, de censure et de droit de vote avec des cartes spéciales. [Le jeu que j’utilise est en réalité une version améliorée et participative d’un jeu existant. L’idée de le transformer en outil d’éducation à la citoyenneté provient d’un projet porté par des personnes rencontrées lors d’une formation à l’éducation aux droits de l’homme. J’ai emporté cette idée sur plusieurs séjours au fil des derniers mois et y ai associé tous les jeunes qui le souhaitent pour le faire évoluer.] Ce jeu a été très bien accueilli par les 11-14 ans et les 14-17 ans : j’ai accompagné des jeunes à la menée du jeu sur le groupe et ils ont pu ensuite l’utiliser en totale autonomie.
En s’appropriant les outils de la valise, les jeunes s’approprient leurs droits. Il y a toujours une phase de découverte qui demande parfois l’accompagnement d’un adulte. Une fois qu’ils les connaissent, ils peuvent partager les outils qui questionnent les droits et leurs usages. Ce partage et ces questionnements amènent les jeunes à se positionner sur les sujets qui leur tiennent à cœur. Certains jeunes, en suivant ce cheminement, en arrivent à être prêts à s’engager, bien que là encore, cela demande parfois l’accompagnement d’un adulte.
Récit de Sarah :
Un des livres de la valise, “Discriminations”, était particulièrement visuel et se prêtait parfaitement à faire de l’affichage informatif sur les droits de l’homme tout en douceur. J’ai proposé l’idée à certains jeunes, et finalement deux jeunes des 11-14 ans s’en sont emparée : des petits affichages sur des thématiques qu’elles ont jugées pertinentes pour le groupe sont venus couvrir les murs de la salle d’activité, mais aussi ceux des toilettes. L’efficacité s’est vérifiée plusieurs jours plus tard lorsqu’une jeune au détour d’une activité sur le camp me donnait la définition juridique de la discrimination, découverte dans les toilettes…
4- Révéler ce qui se cache au fond des projets
Pour être cohérent avec le projet d’Evasoleil et donc avec les droits de l’enfant en tant que tels, il était évidemment nécessaire de partir de leurs idées, de leurs propositions et donc de leurs projets pour leurs parler de leurs droits.
Récit de Sarah :
Sur le planning d’activités composé par les jeunes dès le dimanche soir (et la veille pour le lendemain pour les 6-10 ans), nous repérions les projets qui étaient en lien avec les droits de l’enfant.
Ensuite, j’allais à la rencontre des enfants/jeunes organisateurs pour leur parler des droits en jeu dans leur activité. Ce fut le cas par exemple pour deux jeunes du groupe des 11-14 ans qui souhaitaient organiser un débat “Pain au chocolat/Chocolatine”. Le débat est une forme d’échange très appréciée des pré-ados et ados qui, sans le savoir, prennent pleine possession de leur liberté d’expression et de leur droit d’exprimer leur opinion sur les questions qui les concernent. Plus largement, ils construisent une capacité d’argumentation indispensable dans l’exercice de leur citoyenneté présente et à venir. En discutant avec eux, je me suis rendue compte que les deux organisateurs étaient en fait des pro “chocolatine” qui souhaitaient avoir une tribune pour exposer leurs arguments face au groupe et ainsi convaincre le plus de monde possible dans l’assemblée. On était donc plus proche d’un discours que d’un vrai débat.
Dans l’accompagnement d’un projet de jeunes, il doit y avoir une phase d’analyse pour savoir ce que les jeunes interrogent avec leur projet ; quelles sont les valeurs, les droits, les enjeux de leur activité. Ici, l’organisation du débat amène un enjeu mais ce ne sera pas le même dans un tournoi de foot ou un film pour une soirée cinéma où se posent régulièrement des questions d’accessibilité. Aussi par exemple, une soirée travestie ou miss et mister, interrogeront des questions liées aux stéréotypes. Une fois que l’animateur a des hypothèses sur ce qui est en jeu dans l’activité, il va confirmer ou infirmer ces hypothèses en les confrontant à la vision que les jeunes ont de leur projet. Ce n’est qu’après cela que la préparation du projet en tant que telle peut démarrer avec l’éclairage des failles à travailler.
Suite du récit de Sarah :
Pour la préparation du débat, il s’agissait de faire prendre conscience aux organisateurs des règles et du cadre à poser pour la tenue d’un débat démocratique : je les ai invités à proposer à deux jeunes du camp adverse, pro “pain au chocolat” (le débat existait déjà de manière informelle sur le camp), de devenir co-organisateurs du débat et ainsi bénéficier des mêmes conditions de préparation pour en respecter l’équité. Nous avons ensuite défini le format de la discussion : participation ou non du public, aménagement de l’espace, durée, début et fin. Et puisque les organisateurs représentaient les deux camps, il nous fallait un médiateur neutre pour gérer la parole : les organisateurs ont choisi un animateur du groupe.
Dans la préparation, il faut accompagner les jeunes dans la prise de conscience des failles, des fautes de valeurs, présentes dans leur projet initial pour pouvoir ensuite combler les failles et corriger les fautes avec eux. Cette phase de préparation du projet est délicate car il s’agit de rendre le projet plus solide et plus sérieux sans le dénaturer et en déposséder les jeunes. C’est le cœur du projet qui se construit en répondant aux enjeux ciblés en amont. C’est à ce moment que les jeunes construisent aussi de nouvelles notions et que l’adulte va s’assurer que le projet sera une réussite valorisante pour les jeunes. Il ne reste plus qu’à donner encore de l’ampleur au projet pour le rendre exceptionnel et ainsi garantir la valorisation du projet, des jeunes et de leur travail.
Fin du récit de Sarah :
Puis, j’ai accompagné les organisateurs dans leur préparation d’arguments, en faisant de vraies recherches sur le sujet afin d’avoir des éléments historiques, sociaux, et même juridiques à fournir pendant le débat. Je les ai aussi poussés à imaginer les arguments adverses pour avoir toujours des contre-arguments à exposer.
5- Se mobiliser pour les droits
En 2019, la colo a expérimenté une nouvelle instance de décision : le Conseil de Village.
Deux représentants de chaque groupe d’âge s’y réunissaient tous les soirs à 19h pour discuter et prendre des décisions sur les sujets concernant l’ensemble des camps (l’instauration d’un quartier libre pour les poules, la réorganisation de l’espace vaisselle, la gestion du compost…).
Le Conseil de village permettait aussi d’impulser des projets intergroupes, à l’échelle du village donc (comme un tournoi de foot par exemple).
Récit de Sarah :
Dès la première semaine, j’ai soumis deux idées au Conseil de Village. D’abord celle de la Présidente de l’association qui souhaitait créer une place des droits de l’enfant dans le village. Ensuite, nous avions deux poules dans le centre et je souhaitais lancer l’écriture des droits des poules pour que, comme tous les individus vivant sur la colo, soient écrites noir sur blanc les conditions permettant pour elles de vivre dans le respect et la dignité. Au-delà de l’importance du bien-être animal, il s’agissait aussi d’utiliser la présence des poules comme un outil pédagogique pour permettre aux enfants de réfléchir aux droits.
Le double projet a mis un temps pour mûrir. La semaine suivante, le Conseil de Village a décidé d’instaurer le temps des “actions citoyennes” pour mettre en place ses décisions, notamment en ce qui concerne ces deux projets sur les droits. La mise en œuvre concrète a été pensée par le Conseil de Village dès le début de la semaine pour pouvoir inaugurer ce nouveau lieu le vendredi en présence de la Présidente.
Des pôles se sont organisés : la brigade des poules en charge de la rédaction du traité des droits des poules, l’équipe bricolage pour créer une pancarte “Place des droits” et créer le soleil du bonheur (“De quoi a-t-on besoin pour être heureux ?” avec les réponses des enfants sur les rayons), l’équipe en charge de l’organisation du concert d’inauguration, celle en charge du buffet, etc. Les jeunes se sont alors emparés des deux idées de départ et les ont fusionnées : la place des droits de l’enfant est donc devenue la place des droits afin d’y intégrer nos amies les poules.
Récit de Mathieu :
La quatrième semaine du séjour, Sarah n’était plus là. Pendant le Conseil de Village du lundi, nous avons soulevé la question des suites que nous pouvions donner à ces projets. Rapidement les jeunes ont interrogé le fait que la place des droits pourrait permettre de mieux connaître ses droits. Ils ont lancé l’idée de créer un “Chemin du bonheur” où les principaux droits seraient affichés. Les jeunes ont mené ce projet de bout en bout. Le dernier vendredi, ils ont inauguré ce chemin avec des discours, un concert et un buffet.
Tout l’été, le Conseil de Village a été l’incubateur d’une multitude d’actions et de projets, toujours suivis d’effets au regard du pouvoir de prise de décision qui était entre les mains de ses membres. L’initiative était possible pour chacun et l’avis de tous comptait. Ainsi, une décision qui émergeait du Conseil de Village était nécessairement plébiscitée par l’ensemble de ses membres et témoignait d’une réelle mobilisation sociale pour une cause qu’ils jugeaient juste. Le Conseil de Village a été un outil essentiel dans la dimension intergroupe de ce projet de sensibilisation aux droits et a permis de lui donner une existence plus grande, de l’ériger en combat commun pour toute la colo, transcendant les expériences vécues par chaque groupe sur chaque camp.
Conclusion
Les droits fondamentaux (droits de l’homme et droits de l’enfant) irriguent tous les pans de la société et trouvent une application dans tous les domaines de notre vie. L’enjeu d’un projet de sensibilisation aux droits de l’enfant est donc de l’intégrer le plus naturellement possible à l’univers des enfants et à leur quotidien : ce n’est pas une bulle à côté de nous, une option que l’on choisit, mais une démarche qui s’inscrit dans le projet global du séjour. Le but de ce type de projet est alors davantage d’aider chacun à mettre des mots sur ce que tous savent, sur ce que tous vivent.
Les différentes démarches ont été conçues pour inviter un maximum de jeunes à y prendre part.
Les ateliers proposés par un adulte permettent d’avoir la maîtrise de ce qu’on impulse ; ils auront été la seule entorse au projet du séjour. C’est une forme qui n’est pas évidente car si l’adulte est le seul à avoir la maîtrise, elle demande de la formation et des outils pour mesurer son impact, notamment avec la phase de débriefing après l’activité.
Proposer des ressources permet une liberté individuelle des enfants dans leur découverte, cela correspond aux parties d’activités spontanées ou de quartier-libre du séjour. L’enfant est le seul à en avoir la maîtrise. L’adulte l’accompagne pour répondre aux questionnements qui ont amené l’enfant à s’intéresser aux ressources mises à sa disposition puis l’accompagne à donner une suite, ou pas.
Les projets de jeunes sont directement issus du projet du séjour. L’idée est toujours de partir des jeunes pour soulever les valeurs et les questions de droits de l’enfant que sous-tendent les projets qu’ils souhaitent mettre en place.
Les projets de mobilisation sociale à l’échelle du village impliquent les adultes et les enfants au même niveau. Ils offrent une dimension altruiste, militante pour une progression de la société (ou du village, du centre, de la colo, etc.). Ils mènent souvent vers une transformation importante de l’environnement, du rythme et de la vie locale comme cela a été le cas pour la place des droits, le chemin du bonheur et leurs temps d’inauguration.
Récit de Sarah :
Au-delà de la sensibilisation en tant que telle et de la verbalisation de ces droits, le projet a plus globalement nourri celui du séjour et ses objectifs. Les projets de jeunes, sur les groupes ou à l’échelle du village, ont favorisé le vivre-ensemble, le faire-ensemble et la participation. De même, s’agissant de l’objectif d’individualisation, certains jeunes ont saisi le projet afin de s’extraire momentanément du groupe le temps de lire un livre, de jouer avec Sid, ou de partager un moment d’échange avec moi en m’aidant à préparer une activité, pour repeindre la valise ou simplement pour discuter.