Les enfants extraordinaires en colo ?

La parole est à Alicia, membre du conseil d’administration. Elle a fait ses premières expériences dans le domaine de l’animation sportive, en 2017. Elle est formée à la pratique du handensemble qui réunit les disciplines du handball en adéquation avec les spécificités des participants notamment handicap moteur, cognitif pour la pratique fauteuil et adaptée.
Elle commence à travailler pour des accueils collectifs de mineurs en 2021, en tant qu’animatrice pour différentes tranches d’âge, surveillante de baignade, et directrice adjointe.
A la suite de sa dernière expérience en tant qu’animatrice dédiée pour un enfant de 8 ans autiste et non verbal lors de son premier départ en colonie de vacances, elle décide de partager ses ressentis sur l’accueil et le handicap pour les enfants à la hauteur de ses expériences professionnelles.

Tous différents et alors ?

Les handicaps et les besoins particuliers sont aujourd’hui traités comme une différence notable dans certains lieux d’accueil que ce soit pour des activités spécifiques ou bien pour la vie quotidienne.
En effet, on aura tendance à réfléchir l’accueil, le comportement ou la posture en fonction d’une particularité.

Pourtant, et avant tout, l’enfant, qu’il soit en situation de handicap, autiste, énurétique, ayant un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité, hypersensible, dyscalculique et toute autre particularité, reste évidemment un enfant. Un être à part entière ayant des envies, des rêves, des pensées intelligentes, des curiosités (et beaucoup de choses à nous apprendre à nous les adultes, les professionnels, les grands enfants d’aujourd’hui).
Et c’est bien toutes ces particularités qu’elles soient visibles ou invisibles, diagnostiquées ou non, qui font la richesse et la diversité d’un groupe et d’une société.

Et puisque nous sommes tous différents, quel non sens de vouloir traiter un enfant comme un autre enfant !
Le système de “cases”, de “classement”, de classification des handicaps a ses limites.

Est ce qu’en réalité, tous les enfants n’ont pas besoin d’être traités singulièrement peu importe le groupe auquel il se rapporte?
Une remarque, une intonation, un regard, une attention n’est-elle pas par essence unique?

Si ce besoin d’attention individuelle est facilitée pour des petits groupes d’enfants, qu’en est-il dans de plus grands groupes?

Qui souhaite l’inclusion ?

Qui souhaite l’inclusion? Les parents et familles des enfants extraordinaires?
Pourquoi ne la souhaiteraient- ils pas ?
Reconnaissent-ils la ou les différence(s) qui composent leurs enfants?
C’est un sujet que j’ai eu l’occasion de discuter de façon informelle avec des collègues animatrices lors d’un précédent séjour en classes découvertes :

L’une de mes collègues évoquait le déni de certains, la non reconnaissance par les parents et proches du handicap de leur enfant. Par manque de possibilité de diagnostic, par souhait de se rapprocher de la norme sociale, par détresse, etc.

Est ce que ce sont les familles qui souhaitent l’inclusion, ou bien les dispositifs et politiques qui tirent le drap a eux de l’inclusion ? (Pour une image, une bonne action, l’idée innovante…)

Une autre collègue, dénonce une fausse démarche des politiques pour que les “enfants extraordinaires”(différents) trouvent leurs places au sein de l’école par exemple.
Inclure oui, pourquoi et comment: toujours plus pour toujours moins, c’est mathématique ?
Ou absurde ?

Embaucher plus de personnel d’accompagnement pour prendre moins de temps à les former aux spécificités du métier. Gérer et accompagner plus de spécificités pour moins de temps dédié à chaque enfant.

Finalement parle t-on de plus d’inclusion pour moins d’acceptation ?

La société est pourtant dite “inclusive”, se voulant toujours plus dans la démarche de l’aller vers ces publics divers et variés.
C’est sans doute une société qui parle, qui souhaiterait, qui pense, que ça serait mieux, mais qui est toujours en fait discriminante, limitante voir rabaissante dans certaines situations, sans le vouloir vraiment.

Le défenseur des droits fait le point ici de la loi handicap, 20 ans après.

Nos échanges nous ont amenées à questionner les différences de perception entre l’exclusion, l’intégration, la ségrégation et l’inclusion ?
Quelle est la situation la plus déstabilisante pour un groupe ? Pour un enfant dit “ordinaire” ? Pour un enfant dit “extraordinaire” ?

Ce schéma explique facilement les différences entre “exclusion”, “ségrégation”, “intégration” et “inclusion” :

Qu’est ce qui nous gêne ? Nous choque ? Ou bien nous plaît ?
Dans quel schéma se trouve nos villes? L’école? Le loisirs? Notre société? 

Aujourd’hui, où se trouve la société qui accueille, qui adapte ses pratiques, qui aménagent les espaces et valorisent la personnalité, les compétences et savoirs faire de chacun et chacune ?
Des initiatives locales existent et fonctionnent, elles sont portées par la bonne idée mais aussi des personnes passionnées, des proches aidants, fatigués mais qui essaient de rester motivés, tous pour améliorer l’accessibilité aux loisirs et aux vacances. 

Les enfants et leurs super pouvoirs en colo et ailleurs ?

Tous les enfants sont extraordinaires, simplement et c’est un point de vue personnel. Certains enfants ou certaines situations le démontrent davantage. 

Certes, les handicaps et troubles qui sont visibles peuvent déstabiliser ou étonner. Cependant, si on accompagne tous les enfants en ce sens, ils sauront qu’être autiste, sourde ou bègue n’est pas plus grave parce qu’on peut toujours faire en sorte de se comprendre, en essayant divers outils et propositions comme dans l’animation 😊.
Parfois ça fonctionne très bien, d’autre fois beaucoup moins mais c’est jamais définitif, on recommencera une autre fois, avec d’autres personnes, d’autres expériences, d’autres situations. Ils pourront réitérer l’expérience, dans la classe, au sport, en colo et même au parc, dans tous les espaces de la vie qu’ils seront amenés à traverser.

Alors que les enfants, s’ils sont honnêtement informés, et si on leur donne des enjeux clairs et la possibilité de comprendre les situations, deviennent de super alliés pour leurs pairs et pour la vie en collectivité. Et pourtant, force est de constater sur le terrain que ce n’est pas toujours gagné.

Tout l’art des enfants est dans la façon qu’ils et elles auront de s’approprier leurs spécificités tout au long de leur évolution et de leur éducation. Alors en tant qu’adultes, notre mission (et elle est importante), est de n’arracher à aucun enfant ce qui le compose, auquel il a le droit et qui le rend unique au-delà de son identité. (Cf CIDE).

Kesako et maintenant ?

La société s’est construite autour d’une tendance à la similitude illusionniste…Kesako !?
Et pourtant s’en défaire est nécessaire !
– “Mais de quoi elle parle ?”
C’est normal si là ce n’est pas clair, je m’explique :

Le principe de similitude, c’est quelque chose de semblable, des entités d’êtres semblables à une ou plusieurs autres, d’après la définition du centre national de ressources textuelles et lexicales (cnrtl).

Où et pourquoi parler d’illusion(s) ?
Eh bien, l’illusion c’est d’avoir créé et poussé la similitude physique au sein du corps humain à une similitude en tout point.
Certes beaucoup d’entre nous ont deux bras, deux jambes, une tête et un buste mais ce n’est pas toujours le cas et même dans cette représentation, on peut ne pas avoir le même nombre de doigts, de côtes, de dents, d’œil fonctionnel, etc. (C’est l’exception mais à répétition)
Alors non. A l’échelle du monde, de la France et de votre entourage, tout le monde n’est pas similaire et ne se ressemble pas, si on s’y intéresse réellement.
Si on pouvait s’attendre à ce que les jumeaux et les jumelles qui pourtant avaient le même patrimoine génétique pour être quasiment les mêmes, soient similaires… En fait, eux aussi marquent la différence 😉.

Nous sommes différents et aujourd’hui nous devons continuer d’être différents et non pas indifférents aux différences !
Accueillir et faire grandir tous les enfants, c’est le travail de tous les adultes (anciens enfants, enfants toujours en transition, grands enfants, etc.).
Et ce, avec tous les enfants, car les adaptations peuvent bénéficier à l’ensemble des collectifs.

 

société inclusive

Aller plus loin :

Prendre en compte chaque enfant