Les Etats-Unis aussi connaissent l’équivalent de nos colonies de vacances : les Summer Camps. Leur passé et leur présent offrent bien des parallèles avec ce que nous rencontrons dans les colonies de vacances du reste du monde.
Nous avons tous vu dans les films ces images des enfants assis en rond autour d’un feu de camp, à côté d’un lac ou d’une rivière, à la manière des pionniers américains, faisant griller des chamallows pour préparer des S’mores au bout de bâtons taillés au couteau. Aujourd’hui dans les Summer Camp et les Boot Camp américains, les tentes ont été remplacées par des bunks et des cabins, c’est à dire des bungalows ou des cabanes en bois, et la rusticité a laissé sa place au confort. Mais les soirées autour du feu où l’on se raconte des histoires restent sacrées dans les colos américaines !
L’American Camp Association (ACA) qui chapeaute les camps d’été sur tout le territoire des Etats-Unis recense 12 000 camps qui accueillent un total de 11 millions d’enfants et adultes chaque année.
Mais il ne s’agit pas seulement de colonies de vacances au sens strict comme on l’entend chez nous, car le phénomène est étroitement lié à celui du camping.
Plus des trois-quarts de ces camps sont l’œuvre d’organisations à but non lucratif et émanent de diverses organisations de jeunesse : les Boy Scouts et les Girl Scouts, the YMCA, Camp Fire, etc., sans oublier de nombreux groupes religieux.
Le phénomène est particulièrement développé dans les régions fortement urbanisées et industrialisées du Nord-Est des États-Unis.
Ainsi les grandes colonies mythiques se retrouvent aujourd’hui encore dans les Etats Nouvelle-Angleterre comme le Maine (Camp Cobbossee), le Vermont, le Connecticut, la Pennsylvanie (Camp Wayne) …
Une fréquentation en baisse
Aux Etats-Unis comme en Europe, leur fréquentation est en forte baisse.
Deux explications sont avancées par les sociologues américains : des familles de taille plus réduite et la concurrence de programmes parascolaires qui se sont développés pendant l’été.
Pour contrecarrer ce phénomène, les Summer Camps se spécialisent dans des activités ciblées. Les colonies généralistes où l’on valorise l’autonomie dans la nature par les pratiques de la pêche et du feu laissent place peu à peu à des camps centrés sur les sports, les arts ou la religion (équitation, ski nautique, photographie, dessin…).
Pourtant, l’idée originelle reste encore bien présente : ces camps restent envisagés par beaucoup de parents comme un antidote aux maux de la vie moderne, le moment où – le temps de quelques jours ou quelques semaines – l’enfant va enfin mettre de côté son smartphone pour revenir à des choses simples : l’apprentissage de la vie en communauté, l’autonomie et le contact avec la nature.
Cette vision n’est pas nouvelle : dès leur apparition dans les années 1870 et 1880, les camps d’été représentaient la promesse pour les jeunes garçons d’échapper à la vie moderne et à l’urbanité galopante.
Il s’agissait de se forger un caractère au contact rugueux de la nature, de devenir un homme et au final de sauver l’humanité qui « se ronge de l’intérieur ».
(1) « La ville n’est définitivement pas faite pour les enfants. Elle n’est pas adaptée à leurs besoins. Elle n’est pas naturelle pour eux », écrivait ainsi dans les années 60 Kenneth Web, le fondateur des camps Farm & Wilderness. Fondés en 1939 dans le Vermont, ceux-ci mettent en avant les valeurs de coopération, simplicité, responsabilité, empathie et spiritualité (2) « Comme nous devenons sentimentaux à l’évocation du camping ! Comme si nos villes n’étaient pas naturelles », rétorquait un directeur de camp YMCA. (3)
Gunnery Camp, le pionnier des colonies aux Etats-Unis
Le camp Gunnery est considéré comme la toute première expérience de colonie de vacances organisée aux Etats-Unis. Elle remonte à 1861 et est l’œuvre de Frederick W. Gunn et de son épouse Abigail.
Ils emmenèrent à pieds une classe de garçons de Washington – une petite bourgade du Connecticut à une centaine de kilomètres au nord de New York – pour établir un camp dans la nature.
Ils y restèrent deux semaines à faire du bateau, à pêcher et poser des pièges, faire du feu, et renouvelèrent l’opération les douze années qui suivirent.
Comme en Europe, c’est au début du 20e siècle que le phénomène prit de l’ampleur.
En 1900, on comptait moins d’une centaine de camps dans le pays, contre plus de mille en 1918. Mais leur succès rapide au cours de la première moitié du 20e siècle s’accompagna rapidement de dérives, du point de vue de leurs premiers fondateurs.
Dès les années 30, ces derniers déploraient que de nombreux camps rompaient avec l’idée initiale de simplicité et de frugalité volontaire, en diffusant des films et la radio.
L’American Camp Association, une organisation à visée progressiste
Les colonies américaines sont moins réglementées par l’Etat fédéral que ne le sont les colonies par l’Etat français, centralisateur et régalien.
Les Summer Camps sont toutefois réglementés par l’American Camp Association (ACA) qui leur délivre un agrément.
Cette association à but non lucratif fondée en 1910 revendique 9 000 membres à l’heure actuelle. (4) Elle explique sa mission en ces termes : « Nous aidons les enfants à grandir en citoyens engagés et responsables, en leur apprenant à apprécier, à respecter et à prendre soin du monde dans lequel ils vivent. […] Nous pensons que l’expérience du camp est essentielle au développement et à l’éducation de chaque enfant. Nous aidons les enfants à développer leur estime de soi, leur caractère, leur courage, leur responsabilité, l’ingéniosité et la coopération ».
L’ACA s’inscrit dans un mouvement résolument progressiste.
Dès les années 50 et 60, l’association s’est engagée dans la lutte contre les discriminations, avant que le Civil Rights Act déclarant illégale la discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe, ou l’origine nationale ne soit signé par le président des États-Unis, Lyndon Johnson, en 1964.
La lutte pour les droits civiques des Noirs américains en particulier a constitué « un énorme défi pour l’association », confrontée à la ségrégation raciale sévissant dans certains de ses camps, dans les Etats du sud notamment.
Notes et références
(1) History of summer camp, par Livia Gershon, 26 avril 2016. https://daily.jstor.org/history-summer-camp/
(2) The Ego Ideal of the Good Camper and the Nature of Summer Camp, par Michael B. Smith (janvier 2006). https://www.jstor.org/stable/3985739?mag=history-summer-camp&seq=1#page_scan_tab_contents
(3) Le mouvement de jeunesse chrétien Young Men’s Christian Association.
(4) Site internet de l’American Camp Association. http://www.acacamps.org/about/who-we-are/mission-and-vision
Sources
Children’s Nature : The Rise of the American Summer Camp, Leslie Paris (2000). https://nyupress.org/books/9780814767825/
A Manufactured Wilderness: Summer Camps and the Shaping of American Youth 1890-1960, explains. Abigail A. Van Slyck. , Published by University of Minnesota Press, http://www.upress.umn.edu/book-division/books/a-manufactured-wilderness