La parole aux anims ! Maha, Agatha, Mathieu, Morgane et Eugène ont des parcours très diversifiés dans l’animation et croisent leurs regards pour comprendre ce qui les pousse à participer à l’organisation des colonies de vacances pour les enfants. Ce petit groupe constitué pour l’occasion à abouti à cet article qui nous permet de mieux comprendre les raisons et le caractère singulier de cet engagement pour faire partir les enfants en vacances.
Un article que nous lisons un peu comme une déclaration d’amour d’anims volontaires envers le monde de la colo. Merci à eux pour cette co-écriture pleine de tendresse.
C’est les Vacances !
Les vacances, qu’on attend avec impatience, chaque année, comme la récompense d’un lourd labeur. Enfant, ado ou adulte, c’est un autre monde qui s’ouvre à nous, et pas des moindres ! Les vacances, c’est toujours une parenthèse dans sa vie quotidienne, c’est une exploration de l’inconnu où on prend le temps de vivre autre chose.En vacances, les relations se font plus simples, plus faciles, sans pression ni enjeux autres que la relation elle-même. La famille et les collègues sont éloignés. Les copains et les inconnus prennent une place centrale. On se découvre en découvrant les autres. On découvre une nouvelle façon d’être soi avec les autres. On s’aventure dans une nouvelle vie, dans un nouvel espace, une autre relation au temps, une nouvelle identité sociale où tout est possible. On fait l’expérience d’être quelqu’un d’autre. On lâche prise de ce que nous sommes pour se réinventer ailleurs et autrement, pour un temps donné, sans incidence sur notre quotidien.
Pour un enfant de 7 ans, 8 ans ou 9 ans, c’est surtout le lâcher prise qui prime. L’exploration libre des rencontres, des espaces et du temps. Personne pour dire ce que les parents veulent ou ce que l’école demande. Juste la liberté de construire une approche nouvelle du monde. Un enfant de 7 ans ou de 10 ans va prendre cette liberté pour faire de chaque instant, un nouveau jeu. Sortir du rôle qu’il a à la maison ou à l’école pour se lancer dans une vie nouvelle tous les jours. Il va alors approcher des mondes inconnus, peuplé d’êtres inconnus, plusieurs fois pendant l’été. Explorer la plage comme un désert ou un espace de construction, découvrir la forêt comme Robinson Crusoé ou comme un explorateur… Pour un adolescent de 15 ans ou de 16 ans, c’est un peu différent car l’exploration des espaces et le jeu est secondaire. Les relations sociales et l’identité au sein d’un groupe priment sur tout le reste. C’est un enjeu dont les adolescents sont généralement conscients. L’appréhension de se faire des copains, que les enfants de 8 ans ou de 9 ans ont et dépassent vite, se transforme pour l’adolescent en enjeu primordial. Savoir ce qu’on représente pour les autres, acquérir une place dans le groupe qui nous convient, être identifié par les autres d’une façon qui nous convient mieux. Ces enjeux vont guider l’expérience des vacances, l’exploration de l’inconnu et les rencontres. La période des vacances devient alors un voyage initiatique vers une quête de son identité.
A l’âge adulte, on retrouve les mêmes ingrédients même si on les nomme autrement. On va chercher une relation différente avec ses enfants. On va explorer des lieux et des activités éloignés de notre quotidien. On lâche prise avec le cadre du quotidien. On s’explore, on se cherche, on se grandit. On part en quête d’aventure et de liberté pour être quelqu’un de différent.
Toutes ces nouvelles approches construites pendant ces vacances seront conservées par chaque enfant comme un trésor, un nouveau possible, une piste pour grandir. Et ce tout au long de la vie, des trésors qui s’accumulent et qui ne font pas vieillir mais grandir ! Les vacances, un petit élixir de jouvence…
Des vacances en colo, c’est une nouvelle vie
Une colo, c’est des vacances, un morceau de temps que tu partages pleinement avec les personnes qui t’entourent, animateurs comme jeunes ou enfants. C’est une (ou deux) semaine(s) où tu as l’opportunité d’échanger, de partager, de construire des expériences avec quelqu’un, de le rencontrer, d’apprendre à le connaître dans des situations insolites que la vie quotidienne n’aurait jamais apporté. À travers des moments forts, riches en émotions, les animateurs et tous les enfants créent des liens extrêmement denses et amplifiés par la sensation de vivre hors du monde dans un entre-soi avec des inconnus. Tout se vit en collectif. Tu n’es jamais seul. Tu te confrontes toujours tout le temps à un autre, à ses manières, à ses habitudes, à ses coutumes qui te nourrissent même quand elles t’agacent. Tu dois composer avec les autres et tu apprends à faire la part des choses pour t’imposer sur ce qui est important pour toi et lâcher prise sur le reste.
Les vacances en colo permettent une transmission explosive, où l’on apprend beaucoup sur nous et sur les autres. Chaque enfant, chaque jeune se retrouve dans un nouvel environnement avec d’autres qu’il ne connaît pas, il trouve sa place petit à petit, il s’y adapte et y prend même goût ! Il se découvre en fonction du collectif mais aussi de son individualité, de son identité ; c’est un équilibre qu’il trouve, qu’il change, qu’il essaie et explore. Un exercice d’équilibre qui servira pour le reste de sa vie.
Pour un jeune ou un enfant, vivre des vacances en collectivité, c’est quelque chose de singulier. Nous créons ensemble une microsociété loin du reste, loin des autres. Nous créons quelque chose qui n’appartient qu’à nous. A Evasoleil comme dans certaines autres colos, la notion de créer une société d’enfants pour le temps des vacances est présente. Chaque enfant va pouvoir prendre sa place, se confronter au groupe, débattre, convaincre, changer d’avis et changer les règles, transformer le monde qui l’entoure pour le faire sien. C’est la vie en société mais simplifiée, avec un petit groupe que nous sommes tous libre de faire évoluer.
L’animateur, lui, est l’initiateur de ces liens, de cette famille, de cette société qui se construit au fil du séjour. C’est une expérience qui lui est tout autant enrichissante. L’animateur apprend, se nourrit de ce séjour par la découverte des singularités de chacun.e, par la confiance qu’il donne tant aux enfants et aux jeunes qu’à son équipe. Il est celui qui stimule les enfants quand ils ont des moments creux, celui qui les accompagne à tous moments, qui les comprend et les écoute. Mais il ne peut pas tricher sur lui-même car il est dans le groupe et vit pleinement l’aventure humaine que constitue la colo. Des vacances en colo, ce n’est pas la vie normale. On expérimente une nouvelle vie, on s’aventure, on s’éduque. Animateurs comme enfants, nous sortons tous grandis de cette expérience.
L’animateur en colo, un enfant qui s’engage
Dans certains séjours, comme Evasoleil ou d’autres organisateurs, l’animateur a un statut quelque peu différent. Dans ce genre colo, les animateurs s’engagent dans chaque instant mais cela au plus près des jeunes et de leurs envies. Par conséquent, une relation privilégiée et unique se construit…
S’engager dans une colo pour un animateur ou une animatrice, c’est une démarche de travail particulière. On ne part pas en vacances mais pour autant on ne dit pas qu’on travaille cet été, on dit qu’on part en colo. Parce qu’on va faire ensemble, avec les jeunes, et autant apprendre sur nous que les jeunes sur eux et elles-mêmes, chacun.e à sa façon, à son rythme. La vie de groupe, le collectif, nous obligent à être entier.ère.s, à vivre son travail en vacances ou à vivre ses vacances en travaillant. C’est une stimulation permanente. On travaille avec les jeunes mais on se détend aussi avec elles et eux. Nous vivons avec eux et elles une expérience de vie inédite par le partage.
La transmission est donc un enjeu majeur dans l’animation qui donne envie de passer ces moments intenses avec les jeunes. Mais surtout dans les colos où on leur donne la place d’embrasser leurs vacances corps et âme en choisissant et en animant leurs activités. Ils sont “maîtres” de leurs vacances et apprennent la prise de décision, la prise de parole et l’engagement. On sort de la posture traditionnelle de l’animatrice ou de l’animateur qui fait pour les jeunes mais, trop souvent, sans elles et eux. Cette transmission se fait alors dans les deux sens. L’enfant partage ses idées, son énergie et l’animateur les reçoit, les valorise et les complète s’il faut, pour donner cette étincelle qui fera rayonner leur séjour. Quand on partage collectivement ces valeurs et cette posture dans l’équipe d’animation, c’est ce qui motive encore plus à s’engager, à donner tout ce que nous pouvons donner.
La colonie de vacances c’est aussi la rencontre de personnes différentes, dans des lieux différents, qui attise la curiosité. Susciter cette curiosité chez les jeunes en les accompagnant vers l’inconnu est aussi très stimulant pour un animateur ou une animatrice. Ce temps de construction, très important dans la vie d’un jeune, devient aussi très important dans celle des animateurs et des animatrices, d’être vigilant.e au bien-être du jeune qui évolue heure par heure. C’est à la fois un privilège d’observer et accompagner un.e enfant grandir et un enjeu de taille d’une grande responsabilité.
Dans les colos des organismes qui militent pour une meilleure reconnaissance de l’enfant, chaque animateur et chaque animatrice a cette soif d’apprentissage mais aussi d’engagement au plus près des êtres qui se construisent, se métamorphosent et se lient. Participer à notre échelle à la formation de ces jeunes est pour nous une chance. Ces séjours représentent à chaque instant l’opportunité de les initier à un monde nouveau, loufoque, cocasse, surprenant et neuf dans lequel nous nous joignons à eux avec plaisir. Nous nous découvrons, nous les découvrons pour se construire ensemble.
Pour aller plus loin
- Un article de Jean-Michel Bocquet sur l’intérêt d’organiser des vacances pour les enfants
- La discussion entre 2 élus de l’association sur la responsabilité des organisateurs de colonie de vacances
- Carole, mère de 2 enfants, nous parle de la difficulté d’organiser les vacances de ses enfants
- L’article d’Aline, éducatrice spécialisée, sur les vacances des enfants placés par l’ASE