Les « Droits de l’Enfant », c’est quoi ?
Chaque être humain, précisément parce qu’il est humain, dispose d’un socle de droits et de libertés fondamentaux inscrits dans des textes nationaux (depuis 1789 en France) et internationaux (depuis 1948 avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme). Ces textes fondamentaux ont ensuite été déclinés dans d’autres textes plus concrets qui précisent la manière dont ils doivent être appliqués. Les états ont l’obligation de respecter et de mettre en œuvre ces droits et libertés.
Mais ces libertés et droits auxquels nous nous sommes habitués n’ont rien de naturel, d’indestructible ou d’éternel. Ce qui n’a pas toujours été ne sera pas nécessairement là demain. Si on considère ces droits importants, il faut tout faire pour les préserver. Ce n’est par exemple qu’en 1978 que la convention des Nations Unies exige enfin que les Droits de l’Homme s’appliquent intégralement aux femmes. Il en est de même pour les enfants qui ont dû attendre 1989 pour que la communauté internationale leur reconnaisse une vulnérabilité particulière, nécessitant donc une protection particulière.
C’est ainsi qu’est née la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant le 20 novembre 1989 (qu’on appellera affectueusement « CIDE » dans la suite de cet article). Ce texte est fondamental parce qu’il fait passer l’enfant d’objet à sujet de droit. Il reconnaît son rôle politique, social, civique et consacre pleinement l’idée que l’enfant est un citoyen actif d’aujourd’hui et non seulement un« citoyen de demain ». C’est actuellement le texte international le plus ratifié du monde. Il ne manque à l’appel que les États-Unis. Ce texte n’est ni une utopie ni un idéal à atteindre, c’est un texte contraignant juridiquement qui exige des états l’ayant ratifié de le faire respecter dans leur pays et de mettre tout en œuvre pour améliorer la condition des enfants et le respect de leurs droits fondamentaux.
En parallèle de ce texte, une mécanique a été imaginée pour contrôler régulièrement son application. C’est le Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies qui est chargé d’examiner les rapports produits périodiquement par les états eux-mêmes. Depuis 2000, en France, le Défenseur des Enfants (délégué au Défenseur des Droits) est une autorité administrative indépendante qui veille au respect de cette convention en France : il assure aussi la promotion des droits de l’enfant et organise des actions d’information sur ces derniers.
Les Droits de l’Enfant peuvent compter sur d’autres alliés que les Nations Unies et les états pour se défendre. Plusieurs ONG (organisations non-gouvernementales) sont assez actives sur le sujet. C’est par exemple le cas du collectif d’organismes « Dynamique pour les Droits de l’Enfant », d’Amnesty International et bien sûr d’UNICEF (une agence créée par les Nations Unies pour défendre les Droits de l’Enfant dans le monde). Ces derniers produisent, entre autres actions, leurs propres rapports indépendants qui éclairent la situation des enfants dans le monde.
Mais alors en France, en 2024, on en est-on du respect des Droits de l’Enfant ?
En 2023, La France a été examinée pour la sixième fois par le comité des droits de l’enfant de l’ONU. Ce dernier présente des améliorations dans plusieurs domaines depuis le dernier rapport de 2016. Le comité salue par exemple des progrès dans le domaine de la protection numérique, la lutte contre les violences faites aux enfants et une amélioration de la prise en charge des enfants en situation de handicap.
Cependant il pointe aussi de nombreux manquements. Les experts ont par exemple relevé de fortes inégalités entre métropole et outremer dans les domaines de l’éducation et de la protection de l’enfance. Le comité rappelle aussi que la France a encore beaucoup de travail pour permettre aux enfants en situation de handicap d’accéder pleinement à leurs droits. Est aussi remarquée la situation des enfants en situation migratoire. Le comité rappelle que “la détention d’un enfant sur la base de leur statut migratoire de leurs parents constitue une infraction des droits de l’enfant et est au contraire au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant”.
En nous basant principalement sur ce rapport et le dernier de l’UNICEF (2022), nous vous avons préparé un petit état de lieux de certains droits en quelques chiffres.
Article 2 de la C.I.D.E. : les états garantissent le respect de leurs droits à tous les enfants sans distinction ou discrimination
- 7,4% des enfants de 6 à 13 ans ne sont pas scolarisés en Guyane (2022) contre 0,0075% dans toute la France (2021)
Article 12 : Les enfants ont le droit d’exprimer leur opinion sur toutes les questions qui les concernent
- 2% des personnes ont connaissance du « droit d’être entendu » dans toute affaire judiciaire les concernant
Article 19 : Les enfants ont le droit d’être protégés de toutes formes de violences et des mauvais traitements
- 9 auteurs présumés sur dix est un membre de la famille proche de l’enfant
- 26% des personnes sans-abris sont d’anciens enfants placés, 40 % chez les 18-25 ans
- En 2024, 77% des juges des enfants ont déjà renoncé à ordonner des placements d’enfant en danger faute de places
- 3 350 enfants sont sur liste d’attente de leur mesure de placement
Article 24 : Les enfants ont le droit à la santé, l’accès aux services médicaux et de rééducation
- 1/3 des 6-18 ans déclare souffrir de troubles psychologiques
Article 27 : Les enfants ont le droit à un niveau de vie suffisant pour permettre leur développement physique, mental, spirituel, moral et social
- Plus de 2000 enfants à la rue en septembre 2024, dont 500 de moins de 3 ans
- Une hausse de 120 % des enfants à la rue depuis 2020
- En 2024, le budget voté par l’assemblée nationale pour l’hébergement d’urgence est en baisse de 100 millions par rapport à 2023
Article 31 : Les enfants ont le droit au repos et aux loisirs, de participer à une vie culturelle et artistique
- 71% des enfants dont les parents disposent de bas revenus ne sont pas inscrits dans un club ou une association sportive contre 38% dans les milieux favorisés
Article 34 : Les enfants ont le droit d’être protégé contre l’exploitation sexuelle et la prostitution
- Dans 94 % des cas, ce sont des filles
- La moyenne d’âge de ces enfants est de 15 ans
- 86% d’entre eux donnent des signes de souffrance psychologique
- 51% consomment des produits stupéfiants ou de l’alcool
Article 42 : Les états s’engagent à faire connaître les Droits de l’Enfant aux adultes et aux enfants
- 40 à 60% des adultes connaissent peu la CIDE ou n’en ont jamais entendu parler
- 77% des enfants de 9 à 12 ans ne sont pas sûrs de connaître la CIDE
Pour conclure
Ces chiffres, quelques uns dans l’océan de données, nous donne une petite idée des chantiers à poursuivre en France pour une application effective de la CIDE. Loin de nous l’envie de comparer la France à ses voisins ou aux autres pays du monde, nous pensons important de se rappeler régulièrement les conditions des enfants et leurs droits. D’autant plus pour les professionnels ou bénévoles de l’enfance et de l’animation qui ont pour mission de faire respecter ces droits et de les faire connaître. Il est aussi bon de se rappeler qu’au pays des droits de l’Homme, il reste encore bien du chemin pour améliorer la participation des enfants à ce qui les concerne, à leur prise en charge médicale, à leur scolarisation… et surtout pour que les droits des enfants soient également respectés quelque-soit la famille dans laquelle ils sont nés, l’endroit où ils vivent, quelque-soit leur couleur de peau ou leur genre.
écrit et réalisé par Sarah, Zoé et Antoine en novembre 2024
Pour aller plus loin :
Animer les Droits de l’Enfant
Animation et Droits de l’Enfant : tout est lié
Comment animer les Droits de l’Enfant auprès d’un public enfant ?
Le droit à l’éducation : la responsabilité de toutes et tous
Respecter et défendre le droit à la participation avec les projets d’enfants
Quelques projets d’animation autour des Droits de l’Enfant
CIDEing for change 2016 … et la vidéo produite par les jeunes
Une animatrice Droits de l’Enfant sur une colo : ça donne quoi ?
États des lieux des Droits de l’Enfant en France :
Droits de l’Enfant en 2017 : le dossier complet
Nos sources :
Les derniers rapports
Le rapport de l’UNICEF de 2022 : Constats et recommandations
Le rapport de la Dynamique pour les Droits de l’Enfant de 2023
La Convention et la France
L’Indice de Concrétisation des Droits de L’Enfant en France (Humanium)
La convention Internationale des Droits de l’Enfant (diplomatie gouv)
Les Droits de l’Enfant en 5 questions (Vie Publique)
Focus sur la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (Amnesty)
Protection de l’enfance
Quelques chiffres clés sur la protection de l’enfance en France en 2024 (l’ONPE)
Droit au logement
Nombre reccord d’enfants sans abris à la veille de la rentrée scolaire de 2024 (Le Monde)
Droit aux loisirs
L’inégalité devant l’accès aux vacances (Secours Populaire)
Mineurs victimes de la prostitution
Synthèse du rapport sur la prostitution des mineurs en France en 2021 (santé gouv)
Prostitution des mineurs : trois chiffres clés sur ce fléau (20 minutes)