La prévention dans les groupes ados

 

Les conduites à risque

Ce qu’on appelle « conduite à risque » c’est d’après D. Lebreton « une exposition délibérée au risque de se blesser, de mourir, de mettre sa santé en péril ». Jusqu’ici rien de sorcier. Ce que nous proposons de développer c’est le regard que nous portons sur ces comportements.

Quoi de plus incompréhensible, d’«hallucinant » dira-t-on que d’assister au comportement d’un jeune qui se met délibérément en danger alors que rien d’apparent ne l’y pousse. Je pense que tous les animateurs peuvent citer au moins un exemple de ce genre de situation. Pourtant la science nous apprend que pour un enfant, d’autant plus pour un adolescent le besoin d’expérimentation, d’exploration du monde par soi-même est un impératif. C’est d’ailleurs un des besoins fondamentaux et universels de l’enfant (voir l’article sur les besoins fondamentaux de l’enfant). Pour l’adolescent il s’agit d’un mouvement conjugué d’affirmation de soi et de différenciation d’autrui.

Ce que nous appelons « crise d’adolescence » est l’expression de cette confrontation, de son processus d’individuation. Cela s’exprime non seulement dans le discours (je ne suis pas d’accord, je discute tout, je refuse..) mais également dans les choix et les comportements.
Si ces derniers semblent parfois totalement déraisonnables ou impulsifs c’est qu’ils le sont. Ils sont en effet parfois moins guidés par la raison que par l’émotion.
Il y a une forme d’urgence à expérimenter le monde, à se frotter aux cadres, aux limites (des parents, de la loi..). C’est par ce jeu d’essai-erreur successif que l’enfant et l’adolescent se cherche, identifie les limites et se forge son propre avis sur ce qui l’entoure.

Dans ce processus, le rôle de l’adulte n’est certainement pas de « laisser faire » mais bien de tenir le cadre, ces limites qui sécurisent le jeune en construction. Ce n’est pas agir « contre » lui mais bien dans son intérêt que de dire « non », de tenir ce non. Du moment qu’il est justifié, cohérent, qu’il s’applique à tous quel que soit l’humeur de l’adulte.

Une personne explore une pièce les yeux bandés. Elle va tendre les mains, se prendre quelques murs et quelques coins de tables et ce sera douloureux. Mais peu à peu elle va connaître cette pièce, les meubles, les zones de risques et elle pourra s’y repérer en toute sécurité, avec confiance.

Par contre, si quelqu’un s’amuse à déplacer dans son dos les objets, les meubles, à changer la forme des murs notre explorateur serait complètement perdu et confus. Il ne faudra pas s’étonner alors qu’il exprime sa frustration, sa détresse par des comportements agressifs envers les autres ou envers lui-même.

D’un autre côté si ce quelqu’un intervient chaque fois que notre aventurier est sur le point de rencontrer un obstacle afin d’empêcher la collision, de peur qu’elle ne se fasse mal, la personne est en sécurité tant que son ange gardien se manifeste mais elle n’apprend pas pour autant à se repérer dans la pièce. Le jour où il se retrouve seul, tout est à recommencer avec ceci de différent qu’il n’aura jamais été habitué à se débrouiller seul, à explorer par lui-même. Il n’a pas fait cet apprentissage essentiel et transposable aux autres pièces qu’il explorera plus tard.

Référence : https://www.mpedia.fr/art-conduites-risque-adolescence-comment-comprendre/

Les addictions

Aviel Goodman définit l’addiction comme « une tendance forte, durable et excessive à s’engager dans des comportements de production de plaisir et/ou d’évitement des affects négatifs ». Une addiction à une substance ou à un comportement se caractérise notamment par une incapacité récurrente à contrôler le comportement addictif et par la poursuite du comportement en dépit de conséquences négatives significatives. Le principal élément à avoir en tête est qu’une addiction est une maladie, il ne s’agit pas d’un manque de volonté ou d’un caprice du jeune qui en est victime. On n’arrête pas une addiction d’un coup et il n’est pas question d’exiger cela des jeunes concernés. Par contre, toute consommation à risque n’est pas nécessairement une addiction et il y a un certain nombre de nuances avant que cela en devienne une.

Ce n’est bien entendu pas le rôle des animateur.ices d’essayer de soigner les jeunes accueillis de leurs addictions. Mais ils sont de fait amenés à encadrer des jeunes, notamment adolescents, victimes de dépendances à des substances comme au tabac, au cannabis, à des médicaments ou à des comportements comme aux jeux de hasard, aux jeux vidéo, aux achats compulsifs ou même au sport.

Si on réfléchit du point de vue de la prévention, la principale mission de l’animateur.ice vis-à-vis des conduites addictives est de limiter voire d’empêcher que se créent de nouvelles dépendances lors du séjour, d’assurer la continuité de suivi si un soin est déjà enclenché et de participer au mieux à sensibiliser les jeunes sur ces questions.

Si on prend une des addictions la plus commune chez les jeunes, c’est-à-dire le tabac, le tabac, il nous semble que l’objectif prioritaire des animateur.ices doit être de ne pas créer de nouveaux fumeurs sur le séjour.

Dans un groupe d’adolescents, il y a des fumeurs et des non-fumeurs. Les séjours en colonie de vacances offrent un cadre privilégié pour expérimenter de nouvelles choses. La dynamique de groupe étant ce qu’elle est, c’est aussi un contexte idéal pour se faire embarquer dans des conduites à risques… Ainsi il n’est pas rare que des jeunes goûtent à leur première cigarette ou fassent leurs premières sorties en cachette, en colo.
Interdire la consommation de tabac sur le séjour sur le principe que les jeunes ne sont pas censés en prendre c’est se rendre aveugle à ce qui se passera de toute façon dans notre dos.
Ne pas permettre aux jeunes de fumer c’est prendre le risque que leur consommation nous échappe et que d’autres jeunes soient embarqués dans cette consommation.

A EvaSoleil, nous préférons accompagner et encadrer cette consommation en nommant auprès des jeunes fumeurs leur responsabilité auprès des non-fumeurs, en mettant en place avec eux des « contrats fumeurs », un suivi de leur consommation et en fixant des règles non-négociables autour d’un espace dédié. C’est un choix que nous faisons afin d’avoir la possibilité de parler de la consommation, que ce ne soit pas un non-sujet puisqu’interdit.
Ce qui est interdit échappe par nature à notre accompagnement. Ainsi la prévention se joue dans l’espace subtil et règlementé du toléré mais aussi de l’écoute, de l’échange et de la sensibilisation aux risques.

La sexualité

 

La première chose à noter à propos de la sexualité des jeunes est que cela n’est en rien interdit par la loi et n’a pas à l’être sur les séjours de vacances. Rien ne donne le droit à un organisateur de séjour d’interdire ou de règlementer les rapports sexuels entre les jeunes, du moment qu’ils sont informés des risques, des moyens de contraceptions et que les deux personnes sont consentantes. Une colo est un moment particulier dans la vie des jeunes, il s’agit d’un temps « extraordinaire » au sens littéral du terme : qui sort de l’ordinaire. C’est aussi un moment propice, nous l’avons déjà dit, aux premières fois en tout genre.

Le thème de la sexualité est trop souvent peu accompagné, laissé à la sensibilité des animateur.ices quand il n’est pas tout simplement évité par l’interdiction des rapports sexuels ou installé comme un non-sujet dans les équipes. Interdire ce n’est pas prévenir, ce n’est pas protéger, ce n’est même pas empêcher. Nous sommes loin d’être les premiers ou les seuls à avoir cette approche de la prévention, mais elle mérite d’être rappelée : « Il vaut mieux que cela se fasse avec nous que sans nous ». Ainsi, même s’il s’agit d’un sujet délicat à aborder et que rentrer dans l’intimité des jeunes peut être inconfortable, l’animateur.ice a pour mission de s’assurer que les jeunes sont informés des risques liés à la sexualité, qu’ils sont consentants et qu’ils ont de quoi se protéger. Dans cette mission, l’écoute et l’échange bienveillant sont ses meilleurs outils. Accueillir sans jugement et avoir un dialogue ouvert sur les inquiétudes, les doutes mais aussi les certitudes un peu trop arrimées, il n’y a pas d’autres méthodes. Pour autant, il ne s’agit pas d’encourager les jeunes à avoir des rapports sexuels, il faut aussi rappeler que la colo est un lieu d’accueil collectif et que c’est loin d’être le meilleur contexte pour avoir des relations intimes.

L’animateur.ice a aussi un rôle de sensibilisation autour de l’image du corps, les relations affectives et les pratiques sexuelles. Même si ce n’est pas simple, ça peut être intéressant d’aborder les questions de sexualité avec le groupe de jeunes, de déconstruire des représentations, d’échanger sur les pratiques, sur les risques, de répondre à des questions de santé sexuelle. Les jeunes ont un manque clair de repère vis à vis de leur sexualité. Leurs références se trouvent trop souvent du côté de la pornographie ou du discours de leurs pairs. L’animateur.ice a une place qui peut lui permettre d’aborder des questions qui restent trop souvent hors de la sphère familiale ou de l’école. Il faut en faire bon usage.