L’équitation est un des sports les plus pratiqués par les enfants : près de 500 000 licenciés mineurs, le premier sport des filles, presque 20 disciplines différentes. Mais pourquoi le monde de l’équitation, bien plus qu’une simple activité physique, séduit-il autant ? Qu’apporte le cheval à nos enfants ? Le centre équestre, la colonie d’équitation, sont-ils des lieux privilégiés d’éducation ?
« Apprendre à respecter un animal, à ne pas l’ennuyer, c’est une très bonne école de la vie. » disait Edwige Antier, pédiatre, auteure de « Dolto en héritage ».
Le rapport à l’animal dans la construction du jeune enfant
Les animaux sont omniprésents pendant toute l’enfance. Ainsi, « Ma puce », « Mon lapin » se passionnent pour le monde animal. La presse pour les petits, les dessins animés, les zoos, les cirques et les livres (depuis Charles Perrault au 17e siècle), sans oublier les animaux de compagnie, occupent une place importante. Ils véhiculent souvent la morale et des valeurs, en restant rassurants, parfois même effrayants (comme le loup). De tout temps, ils font grandir nos enfants.
Dès l’enfance, le cheval est un jouet privilégié : on commence parfois par un cheval à bascule, puis il devient un équidé sur roulettes ou un sympathique cheval de bois à tirer. Les petites filles optent souvent pour « Mon petit poney », tandis que les garçons préfèrent les célèbres chevaux Playmobil pour leurs batailles entre Indiens et cow-boys. De plus, la ferme miniature qui accompagne nos jeunes années inclut presque toujours un cheval aux côtés des autres animaux.
De tout temps, le cheval a joué un rôle fort dans l’éducation de l’enfant. Des belles histoires aux jeux, jusqu’à l’équitation, il l’accompagne pour le faire grandir sainement.
L’animal, un support pour développer les rapports sociaux de l’enfant
Qu’il soit doudou (objet transitionnel), de compagnie ou familier, l’animal éveille les sens de l’enfant. Freud écrivait que « la relation de l’enfant à l’animal ressemble beaucoup à celle du primitif à l’animal. (…) Sans hésiter, il (l’enfant) accorde à l’animal d’être pleinement un égal, reconnaissant sans inhibition ses besoins; il se sent sans doute davantage parent de l’animal que de l’objet, qui est vraisemblablement énigmatique pour lui ».
Tout le monde l’a bien compris : éducateurs, médias et commerçants en tout genre. L’animal enseigne à l’enfant le b.a.-ba des rapports sociaux. Ainsi, contes et dessins animés expliquent depuis des générations ce qu’est l’amitié, la douceur, l’amour, la tristesse, la joie, la famille, grâce à des tortues, ours, souris, éléphants, chats ou chiens…
L’animal, un être vivant compris facilement par l’enfant
L’animal représente un levier extraordinaire d’apprentissage pour l’enfant. L’animal de compagnie, par exemple, semble écouter et réagir à l’émotion instantanée. Les rapports aux sentiments se simplifient, et l’enfant peut facilement comprendre ce qui rend triste ou joyeux. Cela favorise l’acquisition de compétences complexes comme l’empathie, dès le plus jeune âge.
Pour Hubert Montagner, Professeur de psychophysiologie et chercheur à l’INSERM, auteur de « L’enfant et l’animal », « l’animal présente un avantage, c’est un partenaire qui ne parle pas, ne juge pas, ne trahit pas, ne renvoie pas aux difficultés. Au contraire, il a l’air d’écouter, d’entendre, d’être toujours d’accord. En fait, la relation avec l’animal est anxiolytique. Quand un enfant caresse un chien, on observe une diminution significative de son rythme cardiaque ».
La relation avec l’animal permet aussi à l’enfant d’exprimer ses sentiments et de les accepter : « Il peut sans retenue libérer ses émotions ; c’est ce qu’il fait en le disant à l’animal: “tu sais, je suis content parce que…, je suis un peu triste parce que maman, parce que papa… j’ai eu peur…” Il va ainsi pouvoir libérer les 6 émotions fondamentales, universelles et innées à l’espèce humaine: la joie, la colère, la peur, la tristesse, le dégoût et la surprise. »
La pratique de l’équitation comme source d’estime de soi
La pratique de l’équitation permet à l’enfant de gagner en estime de soi, grâce à sa relation avec le cheval, mais aussi via une expérience individuelle et collective.
L’équitation, comme une évidence…
L’équitation est l’un des seuls sports qui se pratique avec un animal (on peut citer aussi la tauromachie, la canirando ou le jeu de l’oie !). La dangerosité de cette activité nécessite un apprentissage théorique et pratique dans la durée. Le nombre de pratiquants (près de 2 millions en France, ce qui fait de l’équitation le 3ème sport français après le football et le tennis) va de pair avec 8600 clubs, de nombreux stages et camps équestres, et donc beaucoup d’enseignants. Ainsi, l’équitation est LE sport de référence avec un animal.
L’équitation, un sport valorisant
L’équitation autorise toujours une progression personnelle et tolère les erreurs. Le cheval n’a pas de préjugés ; l’enfant avance donc à son rythme (connaissance du cheval, de l’équipement, allures, etc.). Peu à peu, il apprend à gérer une force bien plus grande que la sienne par son attitude et son savoir-faire. De plus, l’équitation est bénéfique chez certains enfants autistes ou trisomiques (équithérapie) : progresser face à l’animal renforce l’autonomie et la valorisation.
Pour Alexandra Kassubeck, monitrice d’équitation, « Un enfant au contact d’un poney ou d’un cheval, qu’il soit à pied ou sur son dos, gagne à chaque instant un peu plus de confiance en lui, car il doit gérer un autre être vivant que lui-même.
L’enfant doit non seulement gérer seul l’animal et en plus prendre des décisions pour lui , tourner à gauche, à droite, aller plus vite, ralentir, s’arrêter, etc. Les exemples concrets d’enfants qui acquièrent de la confiance grâce à l’équitation ne manquent pas. Le plus souvent cela passe par la maîtrise de sa peur.
Curer les sabots des postérieurs (pattes arrières), mettre le doigt dans la bouche pour mettre le mors (partie en métal qui va dans la bouche), monter un cheval délicat, sauter un obstacle, etc. Être capable de faire quelque chose qui fait peur permet tout à chacun de gagner confiance en soi.
Cela passe également par la persévérance. Nos amis les poneys sont parfois têtus et les enfants doivent s’y reprendre souvent à plusieurs fois avant de passer un obstacle ou avant de bien vouloir passer près d’un plot orange terrorisant ! Une réussite qui se gagne difficilement est d’autant plus satisfaisante et enrichissante. Et d’ailleurs les poneys les plus têtus, les plus difficiles, ceux qui donnent le plus de fil à retordre, sont toujours les préférés des enfants. »
L’équitation, une activité autonome
Philippe Guyonnet, moniteur et instructeur, pense que « L’intention c’est de proposer aux cavaliers une équitation où se mêlent discipline corporelle et relationnelle, expression sportive ou non, mais centrée sur la technique et l’acquisition du tact où chacun trouve peu à peu son Équitation personnelle. » La pratique reste personnelle, avec pour objectif final l’autonomie. Les compétences de concentration et de persévérance, ou la capacité à surmonter sa peur, sont individuelles et se développent à travers les contenus des galops. Cette progression mène peu à peu à la responsabilisation du cavalier.
L’équitation, une activité collective
Alexandra Kassubeck utilise le jeu comme support pédagogique : « Pour les plus avancés (galop 3 et plus), je propose des pony-games, courses de relais, horse-ball, gymkhana (parcours du combattant) ou barrel racing. Pour les plus débutants, j’adapte des jeux classiques: Jacadi, le béret, divers « chat », l’épervier, 1,2,3 soleil, qui devient 1,2,3 poney ! » Toutefois, l’équitation développe bien plus qu’un sens du collectif. Le centre équestre est un espace vivant où les jeunes cavaliers s’entraident, préparent et soignent les chevaux. C’est un des rares lieux où des enfants de tous âges collaborent presque spontanément. Dans les clubs ou les colonies équestres, les plus grands se sentent responsabilisés et les plus jeunes peuvent parfois les aider.
Dans la charte des 10 engagements, publiée par la FFE, nous y lisons «Je présente le club aux nouveaux cavaliers et aide ceux qui sont en difficulté ». Et ça marche ! Il n’est pas rare d’entendre des parents répéter à leurs enfants « On y va maintenant ?! » ou abandonner « Je reviens te chercher à quelle heure ? ». La formation des jeunes cavaliers incluant l’alimentation, ou encore l’entretien des chevaux, les enfants se montrent, s’entraident, s’apprennent. De nombreux clubs proposent des vacances d’équitation où les publics se mêlent.
L’équitation comme vecteur de rigueur personnelle
Pour un enfant, l’équitation est un excellent moyen d’acquérir davantage de concentration et de rigueur personnelle, grâce à l’apprentissage théorique, aux règles de sécurité et à la connaissance du cheval.
Les dangers maîtrisés par l’enfant
Dans la législation, l’équitation est classée parmi les sports à risques. Selon une étude réalisée à Calgary sur des cavaliers expérimentés, elle serait plus dangereuse que la course automobile, le rugby ou le ski. D’après l’étude CEREOPA (1993), ce sport se classe 7e pour la fréquence des accidents et 3e pour la gravité. L’activité reste dangereuse car elle s’effectue avec un animal puissant, susceptible de réactions imprévisibles (peur, fuite…). Par conséquent, l’apprentissage insiste sur la maîtrise du risque : l’équipement, les distances de sécurité, ou la position près du poney.
La chute fait partie de l’expérience de tous les cavaliers : Fréquente mais rarement dangereuse au début de sa formation, elle devient plus rare, mais plus importante après.
Un apprentissage solide, basé sur le respect du cheval
Les compétences du cavalier sont valorisées par des diplômes, les plus connus étant les « galops ». De 1 à 7 pour la formation générale, chaque examen inclut des connaissances sur l’animal et des questions portant sur le respect du cheval.
Ainsi, un jeune cavalier doit savoir, par exemple, dès le galop 1 :
- Observer le poney ou le cheval et son comportement.
- S’en occuper avant et après l’avoir monté ou attelé.
- Le caresser
Pour le galop 2, par exemple :
- Décrire les caractéristiques principales des 5 sens du cheval ou du poney.
- Décrire leurs comportements entre eux.
- Décrire leur comportement alimentaire.
Pour le galop 3, par exemple :
- Entretenir la litière.
- Entretenir l’abreuvoir ou le lieu d’abreuvement.
- Expliquer la répartition des activités du cheval à l’état naturel.
- Expliquer ce que sont : le troupeau, la hiérarchie, la dominance, les affinités, l’instinct grégaire et leurs conséquences.
Pour le galop 4 (le symbole de l’autonomie équestre), par exemple :
- Expliquer les conséquences de la vie domestique sur le cheval ou le poney.
- Etc.
Il est donc tout naturel de trouver, comme titre du premier chapitre de la charte éthique publiée par la FFE,
« Je respecte mon cheval ».
Toujours pour Alexandra Kassubeck, « Le respect que l’on porte au cheval nous garantit sa confiance. De plus, les nouveaux galops fédéraux intègrent désormais beaucoup plus l’éthologie (étude du comportement naturel du cheval en liberté). Cela sensibilise encore davantage les enfants au respect de l’animal. De ce point de vue, le cheval est un outil pédagogique formidable : l’enfant profite d’un moment sur le dos du poney, mais il y a une contrepartie : le respecter et prendre soin de lui, c’est donnant-donnant. Avec un poney, on voit tout de suite la personnalité d’un enfant : sensible, brutal, sûr de lui, timide, etc. Certains passent deux heures à le brosser avant de monter, tandis que d’autres oublient qu’il s’agit d’un être vivant et ne pensent qu’à monter dessus. »
Pour conclure
L’équitation, à bien regarder, est bien plus qu’un sport. Le cheval représente l’animal éducateur par excellence. Fort, doux, parfois dangereux, mais maîtrisable, il offre aux enfants et aux adolescents des qualités et une empathie qui les aideront dans bien des domaines de leur vie d’adulte, responsable et épanoui.
Quelques citations :
« Votre cheval vous ressemble comme votre reflet dans un miroir »
« On ne peut maîtriser un cheval que si l’on se maîtrise d’abord soi-même »
« Un cheval vaincu n’est pas convaincu »
« Faites du cheval un compagnon et non un esclave et vous verrez quel ami extraordinaire il est » Nuno Oliveira
« Le respect du cheval, c’est la fondation de la liberté » Alexis Gruss
« Être à cheval, c’est être entre ciel et terre, à une hauteur qui n’existe pas » Jérôme Garcin